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Le mood de

Jean-Charles de Castelbajac

Il a travaillé avec André Courrèges, habillé le pape Jean Paul II, envahi le Centre Pompidou, signé des collaborations pour Benetton, le Coq Sportif ou encore Rossignol… Jean-Charles de Castelbajac, génie de la couleur, sait jongler avec les disciplines, les médiums, les rencontres.

 

Celui qui est surnommé JC/DC appose sa signature sur les murs de Paris à la craie et partout ailleurs via sa palette de couleurs primaires qui façonne son travail au quotidien. C’est d’ailleurs, celle-ci qui émaille sa dernière collection d’art de la table dessinée pour la faïencerie de Gien. 

 

Résolument pluri-disciplinaire, Jean-Charles de Castelbajac cultive les rencontres et échanges avec des artistes en tout genre de Keith Haring, hier, au chanteur Julien Granel, aujourd’hui, avec qui il vient de performer sur la scène de La Cigale suite à leur collaboration autour de l’exposition « Le Peuple de demain ». Initiée au Centre Pompidou en 2021, cette dernière voyage à travers le monde, de Clermont Ferrand au Centre Pompidou de Malaga en passant par Shanghai. Le membre du jury de la 30e édition des Grands Prix de la Création en septembre nous raconte son parcours, ses inspirations, ses obsessions.

 

jeancharlesdecastelbajac.com

Des étapes qui ont marqué votre carrière ?

 

« Dans une longue vie comme la mienne, il y a beaucoup d’étapes et d’obstacles. Le premier est la jeunesse. Il faut savoir utiliser les souvenirs d’enfance comme un capital et pas comme une blessure. Affirmer son art et l’unicité de son regard comme une détermination, un caractère, un style. 

1976-77, ELLE — Oliviero Toscani

 Le deuxième obstacle c’est le challenge de perdurer, de s’installer dans le temps et ne pas s’installer d’une manière trop confortable, de toujours sortir de sa zone de confort. Perdurer, ça veut dire se confronter aux autres. C’est pour ça que j’ai toujours aimé les collaborations, et que j’ai été chercher les grands de cette époque comme Antonioni, Roger Tallon, Ettore Sottsass, ou ceux en devenir comme Basquiat et Keith Haring. Le secret de tout ça pour passer le troisième obstacle c’est de rester admiratif des autres. »

1976, Premier concept store 31 Place du Marché Saint Honoré

1982, Andy Warhol, “Les contemporains”, campagne pour Iceberg — Oliviero Toscani

1982, Ettore sotsass et Barbara Radice “Les contemporains”, campagne pour Iceberg — Oliviero Toscani

Qu’est ce qui a influencé et façonné votre style ?

 

« C’est surtout mon enfance qui a façonné mon style. Mes parents m’ont mis en pension militaire quand j’avais 10 ans. On avait peu de moyens, j’avais des choses du quotidien qui se différenciaient de celles des autres enfants. Lorsqu’ils avaient une couverture beige, la mienne était rouge à carreaux bleus. Et ça a participé au fait de revendiquer et d’affirmer mes différences. Ma mère a toujours transformé les difficultés de la vie avec une grande élégance. Elle était habitée par l’histoire des meubles. J’ai donc été initié très tôt : à l’âge de 10 ans, je savais déjà discerner la différence entre un pied tournant Louis XIII et un médaillon Louis XVI, je savais ce qu’était un gris Louis XVI, une toile de Jouy par exemple. »

Jean-Charles de Castelbajac x K-Way, 1986

Collection Hiver 2002-2003,Robe Keith Haring, “Electrique Saga”

« Mais j’aimais les choses humbles et pauvres, notamment les matières qui avaient des odeurs comme les vieux velours côtelés. Je préférais les tissus rugueux aux cachemire que je trouvais presque indécents. La seule douceur de la soie qui m’était possible c’était les vieux foulards Hermès de ma mère parce qu’il y avait son odeur. »

« Ensuite, mon style est né de la matière, de la découverte notamment des collages de Raoul Hausmann réalisés avec de la récupération, des morceaux de cartons ondulés, des morceaux de bois… des matériaux peu considérés. Ma première collection détournait aussi des choses comme des serpillières ou ma couverture de pensionnaire. Mon style s’est façonné à la serpe, j’aimais les choses qui étaient brutes. Même quand la couleur est arrivée dans ma vie, j’en ai aimé la brutalité. J’ai toujours préféré un rouge de gueule se frottant à un jaune intense, aux nuances. »

© Jean-Charles de Castelbajac

L’idée derrière votre exposition « Le peuple de demain » ?

 

« Ce qui me plaît avec cette exposition c’est cette idée de langage universel. Il y a une énergie, une joie communicative, une volonté d’expérience, d’émotion, d’initiation. À chaque fois que je crée une nouvelle scénographie, la base est la même : les drapeaux, l’histoire des signes et des blasons, la lumière, la musique, le dessin. 

“Le peuple de demain” – Centre Pompidou

“Le peuple de demain” – West Bund Museum de Shanghaï.

“Le peuple de demain” – Centre Pompidou

“Le peuple de demain” – West Bund Museum de Shanghaï.

L’exposition s’adresse à tous les âges. Les parents sont invités à faire des choses avec leurs enfants. Je pense que l’Art aujourd’hui à un devoir d’unité, de transmission et de partage. C’est fascinant pour tous les artistes d’être face à ces défis aujourd’hui, on parle d’art thérapie, je parle d’art comme ciment, comme couleur. La couleur devient un langage universel. »

Votre dernière performance ?

 

« Celle au concert de Julien Granel à La Cigale. Julien avait mis en musique tous mes dessins et mes couleurs pour l’exposition. On avait déjà fait une performance au Centre Pompidou ensemble, je dessinais et j’improvisais sur ses sons. Puis il m’a proposé de faire un featuring avec une conversation autour de la couleur. Enfin il y a quelque temps, il a émis l’idée que je vienne dessiner en live. J’aime beaucoup ça, c’est une chose que j’ai déjà pratiquée dans le passé avec Mr Nô à Lille 3 000. C’était intéressant comme exercice car c’est un public très jeune, très passionné. Julien a cette qualité de propager, il est comme un catalyseur d’énergie positive, toute cette génération qui vient le voir repart chargée de cette énergie positive. Il y avait cette émotion hier soir et ça me touche particulièrement d’en avoir été un des éléments. Julien c’est le dernier musicien d’une longue boucle commencée il y a très longtemps avec Marie et les garçons. »

Une chose qui vous anime ?

Odda Magazine

« Ce qui me passionne dans la vie, c’est cette discussion, cette transmission. J’ai eu la chance de vivre, de côtoyer des époques glorieuses, les années 70, 80, 90 , l’Art et la mode, j’ai même habillé Jean Paul II. Aujourd’hui je suis enfin arrivé à une époque où je reviens à la source. Je suis arrivé à la maison, je suis là, dans la société. C’est bien d’être à l’avant-garde, ça vous porte… Mais aujourd’hui, j’ai l’impression de vivre dans époque que j’ai écrit, ça me remplit de joie parce qu’il y a mille possibilités. Quand j’ai vu Julien sauter dans la foule à son concert, j’avais le sentiment d’être à sa place et de me plonger dans mon époque. »

A l’occasion des Journées Mondiales de la Jeunesse à Paris en 1997 – Chasuble du pape par Jean-Charles de Castelbajac

Votre rapport à la craie ?

© Jean-Charles de Castelbajac

« J’aime la temporalité de la craie, sa dimension éphémère. Nombre de mes dessins disparaissent vite lorsque d’autres sont là mystérieusement 20 ans après. Mon rapport à la craie c’est aussi une relation au danger, à la rue qui fait partie de mes conquêtes. J’ai commencé à dessiner à la craie dans la rue à partir de 1995 mais elle ne m’a pas accepté car j’esquissais des petits anges fragiles, j’étais bombé, tagué. Puis j’ai découvert le travail à la craie de Keith Haring à New-York. À l’époque en France ça ne se pratiquait pas du tout. Progressivement, j’ai imposé cette technique hyper humble et fragile, elle est réellement en contact avec l’invisible, dans la rue il y a encore des présences du passé, voilà. »

Jean-Charles de Castelbajac et Keith Haring

Forme, fonction ou fantaisie ?

 

« Je suis né de la fonction, mes premiers compagnons de route ont été des hommes de fonction. Les premiers vêtements qui m’ont fasciné étaient les vêtements de travail historiques français, les bourgeons et les uniformes. C’est la fonction qui définit l’ornemental, la place d’un vêtement dans le temps. Si vous regardez mon travail depuis les années 70 rien n’a bougé. Chaque fois, mon challenge est de proposer des choses absolument expérimentales et compliquées à réaliser. La première chose dont j’ai été très fier quand je débutais c’était de mettre des poches dans des robes ou des jupes de femme car ça n’existait pas, je crois que Saint Laurent était habité par la même obsession. »

JCC-1993-L’officiel de la mode No. 784, Jean-Charles de Castelbajac for Courrèges-4

JCC-1993-L’officiel de la mode No. 784, Jean-Charles de Castelbajac for Courrèges-4

JCC-1993-L’officiel de la mode No. 784, Jean-Charles de Castelbajac for Courrèges-4

Des saints patrons de la création qui vous ont inspiré ?

 

« Lorsque j’ai commencé dans la mode, j’ai aimé passionnément des icônes. Je suis arrivé à Paris dans un monde de transition, on sortait de la Haute Couture pour basculer aux premiers stylistes. 

Veste, pantalon et bonnet en Vinyle, Michèle Rosier pour VdeV, Queen, 28 juillet 1965.

Raquel Welch en parachutiste dans le film Fathom, combinaison en Nylon plume, Michèle Rosier pour VdeV, 1967 (DR).

Imper en Nylon Ferranyl, Michèle Rosier pour VdeV, Vogue Paris, février 1965

Veste, pantalon et bonnet en Vinyle, Michèle Rosier pour VdeV, Queen, 28 juillet 1965.

Imper en Nylon Ferranyl, Michèle Rosier pour VdeV, Vogue Paris, février 1965

Raquel Welch en parachutiste dans le film Fathom, combinaison en Nylon plume, Michèle Rosier pour VdeV, 1967 (DR).

Il y avait des figures féminines emblématiques : Michèle Rosier qui dessinait des vêtements de ski, Emmanuelle Khanh chez Cacharel ou encore Christiane Bailly. Et la plus jeune dont je suis devenue proche était Agnès B. Ces premières stylistes m’ont vraiment inspiré dans la création des vêtements féminins qui protègent comme le manteaux-couverture en plaid. »

La famille Khanh, de gauche à droite : Quasar, Atlantique, Othello et Emmanuelle dans un pavillon transparent sur mobilier gonflable conçu par Quasar. Photographié par Maurice Hogenboom, Vogue , janvier 1970

Christiane Bailly – Le Galucha (de Griffine).

Un mouvement ?

 

« Le travail sur la liturgie, sur l’Eglise, que ce soit les vitraux de Matisse, l’architecture du Corbusier à Ronchamp. » 

Intérieur de la Chapelle du Rosaire, Vence
© Succession H. Matisse pour les œuvres de l’artiste | Photo © François Fernandez

Votre architecte préféré ?

 

« Luis Barragán me touche par son travail de la couleur. Mais il y a aussi des grands architectes du Moyen Âge qui me rendent fou comme Foulques Nerra qui a construit la forteresse de Loches, Frédérique II de Hohenstaufen à l’origine du Castel del Monte, château avec huit tours octogonales. »

Casa Gilardi – Luis Barragán

Castel del Monte

Un designer ou studio qui vous intéresse ?

 

« HALL HAUS, collectif français que j’aime beaucoup. »

Les jeunes talents à suivre côté mode ?

 

« Il y a notamment Why Project. Quand je vois la dernière promotion de l’IFM, je vois une génération passionnante née dans une époque où la contrainte nourrit l’imaginaire, que ce soit en termes d’écologie, de partage et d’inclusion. »

Les jeunes talents à suivre côté danse ?

Léo Walk – Walk in Paris

« Je suis très inspiré par Léo Walk, son dernier spectacle au Châtelet “La maison d’en face” m’a complètement emporté, transporté, il y a bien sûr la notion du groupe mais il y a l’individu et je trouve ça très intéressant que ce garçon ait aussi sa ligne de vêtement. Je suis stupéfait par le talent de cette génération qui sait être à la fois entrepreneur et artiste, et aussi communiquant. »

Décors “La maison d’en face” par Garance Vallée

Les jeunes talents à suivre côté musique ?

 

« Flavien Berger, La Tène, Zaho de Sagazan, Camp Claude… J’ai un projet avec un garçon très talentueux que j’aime beaucoup, le compositeur et artiste Mo Laudi. Il remanie des musiques de fanfare. »

Un lieu ?

 

« La résidence d’artistes POUSH. »

Pour ou contre Instagram ?

 

« Pour, car c’est une fenêtre sur la création, sur la créativité. Mais aussi contre, car c’est aussi une source de comparaison, de frustration. Instagram permet à toute une génération de créateurs de faire connaître son travail. »

Un dîner avec les personnes de votre choix ?

 

« Des auteurs fantastiques qui ont totalement inventé leur monde comme Poe. Jimmy Page, grand guitariste de Led Zeppelin. André Courrèges avec qui j’ai adoré travaillé. Il faudrait une longue table car j’aimerais inviter une jeune génération d’artistes. »

1994 – Jean-Charles de Castelbajac et André Courrèges

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