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Le livre « Va au Japon » de

Vahram Muratyan

Artistes

4 mai 2023

L’art se niche dans les détails. Et ça, Vahram Muratyan l’a bien compris. Le designer-graphiste né en 1980 ne cesse de passer au peigne fin les particularités des villes comme des petits ou grands moments de vie. Pour l’école de la créativité Traverses, il explique comment il chasse le détail magistral qui change tout, dans un cours très particulier à retrouver ici.

 

Après avoir signé le livre « Paris vs. New York », le designer d’origine arménienne réitère avec un ouvrage intitulé “Va au Japon” : un voyage de plain-pied à l’intérieur du pays. De Tokyo à Kyoto en passant par la campagne nippone, des vêtements de Muji au Mont Fuji, rien n’échappe à la curiosité exacerbée de Vahram. Avant-goût avec son Mood japonais.

Comment s’explique votre penchant pour la communication et le design ?

 

« J’ai été opéré de l’œil tout petit, cette histoire me poursuit. Mon père me faisait des dessins très minimalistes pour que je m’entraine à rééduquer mon œil. Depuis, je suis très sensible aux signes, que ce soit des lettres ou des symboles, aux images que l’on voit chez l’ophtalmo. J’étais tellement habitué à la séparation des images, aux dédoublements… C’est peut-être de là qu’est venue mon obsession de l’image et en particulier de sa reconnaissance. J’ai sûrement fait un lien quand j’ai commencé à m’intéresser au graphisme et au design en général. »

Qu’est-ce qui a influencé et façonné votre goût ?

 

« Ma famille était sur la Route de la soie, peut-être que ça vient de là… ça joue dans l’imaginaire. De cette famille orientale je me souviens des couleurs et des patterns ; je ne suis pas mulsulman mais tout ce qui est dessin répétitif, calligraphie, mosaïque, couleurs turquoises m’inspirent.

 

Tout est source d’inspiration, mais les voyages à Istanbul, en Europe, ont particulièrement façonné mon goût. J’étais attiré très jeune par la culture londonienne. Puis, l’attraction pour New-York et les USA en particulier a joué, avec beaucoup de virées là-bas quand j’étais petit. La publicité, les magazines, leur style moderne post révolution industrielle, le pop-art m’ont inspiré. Puis les voyages imaginaires immobiles, avec la lecture, la musique, comptent aussi beaucoup. »

Une méthode qui a éveillé votre sens du détail ?

 

« Il y a eu notamment le jeu des 7 erreurs auquel je jouais petit avec ma grand-mère. Elle s’amusait à déplacer ou faire disparaître des objets dans l’appartement avant de venir me cherche à l’école puis elle me demandait de les trouver afin d’exercer ma curiosité. Une technique dont je parle dans mon cours chez Traverses, l’école de la créativité. »

Livre  » Paris vs New York  » de Vahram Muratyan

 

Livre  » Paris vs New York  » de Vahram Muratyan

Vos inspirations graphiques ?

 

« Les packagings très mignons du Japon et avant ça, les packaging très efficaces des USA avec un message, un mot, un logo. J’essaye de trouver l’essence de tout ça. Forcément le travail d’Andy Warhol m’inspire, sa manière de s’emparer des symboles, des clichés, des formes répétitives. Je pense notamment aux piscines de David Hockney, au travail de Marcel Duchamp quand je vais très loin dans les inspirations. »

La genèse du livre « Va au Japon »  ?

 

« J’avais envie de faire un livre depuis très longtemps sur le Japon. J’ai découvert le pays il y a 10 ans, ça a été un choc. Je voulais vraiment raconter la campagne là-bas, pas seulement la ville et le train. Il y avait quelque chose à dire sur l’écume que laisse un voyage et surtout celui-là, à quel point ce pays est marquant et pourquoi. »

D’où vous vient cette fascination pour le Japon ?

 

« Tout ce que le pays évoquait avant même d’y aller m’émerveille, aussi bien les films d’animations, les lectures, la musique, les histoires qu’on me racontait, les voyages que les autres avaient fait qui me fascinaient mais en même qui n’étaient pas pour moi tout de suite. 

 

J’y suis allé il y a dix ans, je me suis dis mais pourquoi j’ai autant attendu… C’est ce que je dis au début du livre, c’est le voyage qu’il faut faire à vingt ans puis à vingt-cinq et à trente, idéalement tous les cinq ans il faudrait faire ce voyage, ou tous les ans si on en a les moyens. C’est un voyage plus qu’initiatique, indispensable quand on est visuel comme moi ou dans le design. 

 

C’est une autre façon de penser, d’être différent au quotidien, une forme de mélange entre l’efficacité et le détail, les principes. Cette rigueur là me parle. Je m’entraîne à être rigoureux depuis que je fais ce métier. Et là-bas, j’ai l’impression que c’est un peu la même obsession : être rigoureux pour arriver à quelque chose de parfaitement imparfait. C’est ce qui me plaît. »

Qu’est ce qui vous intrigue dans la culture japonaise ?

 

« C’est peut-être le fantasme de cette osmose entre efficacité et rigueur, de cette perfection imparfaite, car derrière il y des centaines d’années de savoir-faire, de transmission, de vivre-ensemble.

 

Tout est fait, par exemple, pour les enfants, que tout soit merveilleux mais pas niais. Je ne retrouve plus forcément ça à Paris, la ville devient violente. C’est cet état d’esprit que j’ai essayé de transmettre avec le livre, je voulais me placer à hauteur d’enfant. Dans la culture japonaise, il y a des fantômes, des forces noires, avec lesquels il faut parfois vivre, et pourtant ce n’est pas dangereux, ça fait partie de la vie. Tout ça ensemble forme un mélange un peu étrange. Parfois, dans un film d’Hayao Miyazaki je ne comprends pas tout, en même temps ça m’inspire et en même temps ça me repousse, je suis dans une dualité par rapport à ce que je vois. Tout le monde n’est pas tout gentil ou tout méchant, les héros peuvent avoir un côté sombre, les personnes peuvent ne pas dire tout ce qu’ils ressentent, comme retenus. »

Pourquoi le train vous obsède-t-il tant ?

 

« Le train le Shinkansen, on le prend tous quand on voyage là-bas, c’est la rêverie ce train…Et la rêverie quand on est chez soi coincé à penser à un pays fabuleux comme le Japon, je me suis mis à penser à travers tous ces hublots. »

Vahram Muratyan

Une palette de couleur qui représente le Japon ?

 

« Ce rose un peu passé, le rose Sakura, des fleurs des cerisiers ornementaux du Japon mais aussi le rose de certaines étoffes, de certains kimonos. Je l’appelle le “rose japonais”. C’est lui que l’on retrouve en fond dans le livre.

La palette elle irait de ce rose là au rouge de leur drapeau, en incluant un indigo qu’on trouve sur les estampes. Cet indigo, c’est en fait un bleu de Prusse qui vient des commerçants européens néerlandais ou portugais qui ont amené cette couleur au Japon lors des premiers échanges. Les japonais se sont ensuite accaparés ce bleu qu’on voit dans les estampes, qui va symboliser cet échange d’idées, le dialogue entre les deux territoires. »

Fuji © Vahram Muratyan

Un photographe repéré là-bas ?

 

« Le photographe Daidō Moriyama qui compose une image un peu inversée de la perfection des Tokyotes en noir et blanc, dans des des tons très bruts, sur des papiers incroyables, c’est un peu l’envers du décor, sur les bas-fonds de Tokyo. »

Photographie Daido Moriyam

Une matière ?

 

« La texture d’une céramique raku, très sensuelle et en même temps presque brute, on sent les flammes, la chaleur qui est passée, on sent que c’est imparfait. C’est plus que wabi sabi, c’est encore plus brut. C’est très important d’avoir un contenant pensé, travaillé et qui va venir accueillir un contenu qui aura autant d’importance que le contenant. »

Le bol à thé raku interprété par Jean-François Delorme

Un réalisateur japonais ?

 

« Satoshi Kon, le réalisateur d’animés qui a notamment signé Paprika, Perfect blue, Tokyo Godfathers… Ses films d’animation sont tellement étranges que je cherche encore à comprendre ce que j’ai vu. »

Un artiste japonais à suivre ?

 

« L’artiste vidéaste Ryoji Ikeda qui programme des lumières et points lumineux en LED. Son travail est un mariage entre ultra technologie et minimalisme presque pictural et pointilliste. »

Un musée à voir absolument ?

 

« Teshima : une île avec un musée ou plutôt un lieu d’expérience qui est absolument dingue. Je ne vais pas le divulgâcher. On peut aussi écouter une base de données de cœurs battants, les archives du cœur : c’est l’œuvre de feu Boltanski. Mon cœur bat là-bas, je l’avais enregistré au Mac/Val avant même de voyager au Japon — et je peux désormais le trouver sur cette île, c’est magique. Naoshima et Teshima sont des lieux qui étonnent et qui éveillent tous les sens de la nature et de l’artiste qui sommeille parfois secrètement en chacun de nous. »

Teshima museum

Teshima museum

Teshima museum

3 comptes Instagram à suivre ?

Une œuvre architecturale qui vous plaît ?

 

« Le projet de Yoshio Taniguchi à Tokyo. »

Sea life park – Tokyo

L’architecte japonais pour construire la maison de vos rêves ? 

 

« Tadao Andō évidemment. Ou l’agence Sanaa également que j’aime beaucoup. »

He Art Museum de Tadao Ando

Nouveau centre culturel – Shenzhen – Agence Sanaa

sumida hokusai museum – Agence Sanaa

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