Un cadrage serré et décentré, des teintes vaporeuses, des flous savamment travaillés… On croyait connaître le lexique de la peintre Inès Longevial, nous voilà troublés devant « Perchée », son exposition qui débute aujourd’hui, à la galerie Ketabi Bourdet.
Si l’artiste poursuit ses recherches introspectives à coups d’auto-portrait, elle passe d’un univers anciennement chamarré à une esthétique du dépouillement, où les couleurs s’entremêlent doucement. Inès explore encore et toujours le terrain des sensations, ici en travaillant la peau qui s’affine et devient ainsi une membrane entre l’intime et le monde. Un monde où l’ornementation végétale est centrale : un lexique pictural qui questionne l’enracinement et son antagonisme via des branches solides et des tiges légères qui dansent sur les toiles.
De l’aube au coucher du soleil, les peintures d’Inès émerveillent. Rencontre.
Exposition « Perchée », jusqu’au 10 novembre 2023
Galerie Ketabi Bourdet, 22 passage Dauphine, Paris 6
Quel jour & heure est-il ? Que faites-vous habituellement à ce moment de la semaine?
« Vendredi 6 octobre, il est 14h34. Le vendredi, à cette heure-ci, je commence mon week-end et je ne fais pas grand chose. Mais aujourd’hui est une journée très chargée ! »
Votre humeur du jour à l’approche de cette troisième exposition ?
« PERCHÉE ! »
Votre madeleine de Proust ?
« L’odeur du sous-bois en automne, le matin, en pyjama avec un café chaud. »
Votre premier choc esthétique ?
« Je ne m’en souviens pas du tout, ce que je sais c’est que j’en ai des centaines par jour. »
Qu’est-ce qui a influencé et façonné votre goût ?
« C’est une grande question de philosophie et de psychanalyse, à laquelle je ne saurais répondre en une seule phrase. Je pense que l’on peut dire assez modestement, l’époque à laquelle on vit, mon éducation, mon inconscient et mes expériences personnelles. »
Comment jouez-vous avec la couleur ?
« Mon choix de couleur est profondément lié à mon humeur. Ma palette de couleurs, les combinaisons que j’utilise sont souvent influencées par mon état émotionnel du moment. Je suis guidée par une volonté intuitive. »
Une gamme de couleur qui vous suit depuis toujours ?
« Un gris bleu orageux, un rose cuisse de nymphe avec un vert myrthe. »
Pourquoi ce tropisme pour l’autoportrait ?
« L’autoportrait n’est qu’un prétexte. J’ai un flow de peinture insatiable. En peinture, il n’y a que trois thèmes : la vie, l’amour, la mort. Mon portrait est la seule chose qui n’appartient qu’à moi et sur lequel je peux projeter ces thèmes selon mes désirs et en toute liberté. »
Comment a été pensée votre exposition ?
« Comme j’ai de sérieux problèmes de vue depuis que je suis toute petite, j’ai toujours plutôt regardé par la partie que par le tout. J’ai construit cette exposition comme une fresque en morceaux à recomposer. De grandes figures perchées dans les arbres, des ombres de feuillages ou des cicatrices, des bouts de corps, des fourmis bleues, des oiseaux duveteux, une pigne de pin rose… »
Cette exposition marque-t-elle un virage dans votre travail ?
« Non pas nécessairement un virage mais plutôt une continuité. Depuis le début, j’ai toujours cherché à explorer de nouvelles idées, techniques et concepts. Chaque nouvelle série d’œuvres que je crée est une étape dans cette évolution constante. Cette exposition représente donc la continuation naturelle de mon cheminement artistique. »
Qu’est ce qui nourrit vos humeurs créatives ?
« Mes échecs, mes désirs, mes attentes. Je trouve l’inspiration dans tout et n’importe quoi. »
Le livre ou magazine que vous adorez feuilleter ?
« En ce moment, je feuillette Chats d’atelier de Leonore Fini. »
VOS 3 DERNIERS COUPS DE CŒUR ARTISTIQUES ?
Un défilé ?
« Il y a quelques années j’adorais la mode, et je pouvais m’en inspirer mais ce n’est plus du tout le cas aujourd’hui. »
Une exposition ?
« Over the Rainbow, au Centre Pompidou. »
Un film ?
« Notre Corps de Claire Simon. »
3 PIECES À CHINER SUR LEBONCOIN ?
Le dernier créateur que vous avez repéré ?
« Alexander Kirkeby. »
3 COMPTES INSTAGRAM INSPIRANTS ?
Les artistes, personnalités avec qui vous aimeriez dîner ?
« Dali, Gala, Kurt Cobain, Simone de Beauvoir, Billie Holiday, Albert Camus, Frida Kahlo, Amy Winehouse, Léonore Fini, Paul Verlaine, et moi sous la table. »
3 vêtements indémodables ?
« Le jean, la culotte blanche en coton qui pendouille, et le tee-shirt dans lequel ma mère à accouché de moi. »
La dernière adresse qui vous a bluffée ou que vous aimeriez découvrir ?
« Le restaurant Vivace à Trébeurden. »
Une scénographie de film qui vous a marquée ?
« L’introduction de Habla con Ella de Pedro Almodóvar. »
Pour ou contre Instagram ?
« Je n’ai pas la prétention de choisir un camp, je m’en sers comme d’un journal pour partager mon travail spontanément. »