Héritage
4 avril 2023
Héritage
4 avril 2023
Elle travaillait l’élégance à la française avec une grande simplicité, mélangeait le classicisme et le modernisme avec une certaine radicalité. Sa palette noir-blanc, jugée trop austère, est finalement devenue gage de sobriété et d’intemporalité, deux notions qu’elle cultivait comme personne dans ses projets. Andrée Putman a démocratisé une nouvelle façon de vivre à l’intérieur.
Des décennies après, les créatifs émergents se font toujours les garants du style « putmanien » : Laurent Taïeb, Marcante Testa, AP Design House ou encore HALLEROED. Comme sa fille Olivia Putman qui a repris le studio en 2013, ils poursuivent le travail d’Andrée Putman à travers des codes esthétiques sobres, des matériaux « pauvres » (acier, ciment, bois), un lumière omniprésente et juste calibrage entre le chic et le dépouillé. L’occasion de rendre un hommage à la Grande Dame du Design, disparue il y a dix ans.
Style
INTEMPOREL
Adjectif
PUTMANESQUE
Palette
NOIR & BLANC
Influence
MODERNISME
En 1978, Andrée Putman veut réaliser son « rêve de diffusion » des pères du design moderniste (Eileen Gray, Robert Mallet Stevens, Pierre Chareau, René Herbst et Jean-Michel Franck) et fonde sa société de réédition, Écart. Un succès planétaire puisque dans les années 80, le mobilier, pourtant rejeté cinquante-ans plus tôt, est encensé par le grand public aux quatre coins du monde.
À l’occasion de la programmation Hors les murs de la Villa Noailles, la Fondation CAB de Saint-Paul de Vence consacre pour la première fois une exposition à Andrée Putman et à ce travail de redécouverte des artistes du Mouvement Moderne oubliés. Sont exposées là-bas, dans une scénographie imaginée par sa fille Olivia, les pièces des pionniers de la Première moitié du XXe siècle que la Grande Dame du Design a re-propulsés sur le devant de la scène.
Andrée Putman va utiliser ce mobilier dans la quasi-totalité des commandes qui lui seront confiées, de l’Hôtel Morgans à New-York aux aménagements réalisés pour Karl Lagerfeld à Rome en passant par l’Hôtel Pershing Hall à Paris. Des pièces qu’elle fera cohabiter avec ses propres créations dessinées pour Poltrona Frau, Christofle, Gaïa & Gino ou Écart International en auto-édition…
Autre bijou d’architecture d’intérieur attribué à Andrée Putman dans les années 90 : l’appartement de l’hôtel d’Hallwyll réalisé par l’architecte Claude-Nicolas Ledoux dans le Marais. En début d’année, la décoratrice Marie-Anne Derville a proposé une relecture du décor, repensant les lieux avec éclectisme tout en conservant son âme putmanienne. Portée par ce cadre historique exceptionnel, elle a œuvré comme une « ensemblière », associant des pièces de mobilier de différentes périodes et de styles variés : Jacques-Emile Ruhlmann, Jean-Michel Frank, Bob Wilson, Touplas Philolaos, Süe et Mare, Paolo Palluco…
Dans certains de ses projets, le studio italien Marcante-Testa semble reprendre les codes classiques radicaux d’Andrée Putman. Une élégance simple, dépouillée, pas pour autant aseptisée, dirige l’intérieur de cet appartement de Trieste avec une pointe de modernité. Le détail qui fait mouche : les pieds boules de la baignoire légendaire qu’Andrée Putman a imaginés pour le Pershing Hall à Paris sont retwistés en version rectangulaire.
Appliquant à la lettre la devise de son amie « la vie doit être mordorée », Laurent Taïeb a complètement recouvert l’hôtel Madame Rêve des couleurs cuivre qu’Andrée Putman affectionnait. Comme une lueur de coucher de soleil, les nuances dorées éclatent dans chaque pièce de l’adresse parisienne.
Preuve que le style Putman n’a pas de frontière, le studio australien AP Design House fait appel à une épure intemporelle qui rappelle indéniablement l’élégance simple et la signature chic-dépouillée de la Grande Dame du Design. Lumière, décloisonnement, matières nobles (inox, ciment, verre), palette neutre, mélange de pièces de collection et de souvenirs de voyage s’ajoutent à un juste calibrage entre ancien et contemporain.
Autre studio international qui use des codes putmaniens : HALLEROED. Pour la marque de vêtement Totême, le cabinet d’architecture d’intérieur basé à Stockholm se ré-approprie le langage visuel de la designer française : liseré noir emblématique de son canapé Crescent Moon, verrières lumineuses quadrillées, escaliers en colimaçon…
Des projets résidentiels d’HALLEROED aux salles de bain de l’hôtel Beauregard par Chloé Nègre, le damier et les rayures noir & blanc – marque de fabrique par excellence d’Andrée Putman depuis le réaménagement de l’hôtel Morgans à New York en 1984 – s’invitent particulièrement dans les pièces d’eau. On les retrouve également dans la décoration : Aama Design s’en inspire même pour sa lampe modulable Stripi, cc-tapis pour son tapis Damier.