Genius Loci s’installe chez l’architecte Auguste Perret

L’association Genius Loci joue sur plusieurs tableaux. Sa singularité ? Monter deux expositions en une – d’un côté les œuvres des artistes exposés, de l’autre le lieu en lui-même. Dès les débuts de Genius Loci, l’idée était d’apporter une expérience immersive de l’architecture, de faire vivre cette discipline de manière plus sensorielle. Ne jamais montrer des lieux de manière poussiéreuse mais leur donner une âme, rafraîchir le regard que l’on a sur eux. L’architecture est ainsi le socle des expositions que propose Genius Loci. Les œuvres exposées sont portées par un écrin. Les disciplines sont mises en regard, les arts dialoguent ensemble, se répondent. Il y a un travail subtil à faire afin de trouver un équilibre : il s’agit de se glisser entre les murs d’un chef d’œuvre architectural, de le faire converser avec des œuvres de son époque et d’autres qui nous sont contemporaines mais qui sont liées d’une certaine façon.

Genius Loci œuvre pour valoriser le patrimoine architectural. Après une installation remarquée à la villa l’Ange Volant aménagée par Gio Ponti à Garches l’an passé, la nouvelle exposition de l’association a pris ses quartiers au sein de l’appartement d’Auguste Perret, à Paris. L’occasion de rencontrer sa fondatrice, Marion Vignal, qui nous fait voyager dans l’intimité du maître.

“Genius Loci, L’Appartement d’Auguste Perret”, du 15 au 23 octobre 2022, 51 rue Raynouard Paris 16e.

Quel est le leitmotiv de Genius Loci ?

« Nous œuvrons pour valoriser le patrimoine architectural. Lorsque l’on ouvre des lieux qui n’ont jamais été accessibles au public, comme cet appartement, qui appartenait à Auguste Perret, l’on vient révéler, raconter ce patrimoine, et j’aime qu’il dialogue avec la création contemporaine. Il y a un travail subtil à faire afin de trouver un équilibre : il s’agit de se glisser entre les murs d’un chef d'œuvre architectural, de le faire converser avec des œuvres de son époque et d'autres qui nous sont contemporaines mais qui sont liées d’une certaine façon. »

Quand et comment avez-vous découvert l’appartement d’Auguste Perret ?

« Une amie m’a présenté la présidente de l’association Auguste Perret. Elle est venue voir l’Ange Volant et le concept lui a beaucoup plu. Elle savait que Perret adorait l’art donc elle m’a fait confiance. Quand j’y ai pénétré pour la première fois, j’ai été très émue, comme lorsque l’on est bouleversé par une œuvre d’art. C’est un lieu très fort, très surprenant, d’une beauté incroyable, majestueux et très simple en même temps. Tout ce que j’aime. D’une grandeur qui n’est pas liée à la sophistication des matériaux, à la richesse ni à l’opulence, mais à la justesse, à la dramaturgie des espaces. On passe de l’obscurité à la lumière, un peu comme une pièce de théâtre. Lorsque que je vais dans ce genre de lieux et que j’ai ce genre d’émotion, je visualise de suite l’exposition, ce que l’on peut faire et comment le faire. Comment l’espace peut évoluer avec les œuvres. J’ai dit de suite : “cela va être très simple, très poétique et très beau !” Et j’espère que nous avons atteint cet objectif ! »

Qui est pour vous Auguste Perret ?

« Il était radicalement classique et radicalement moderne à la fois, et les deux s’expriment de manière très harmonieuse. On parle de sa passion pour l’antiquité, la poésie, les chouettes - le symbole de son agence -, les anges… Soit un certain nombre de thématiques qui ne lui sont pas forcément associées, lui qui est plutôt considéré comme le maître du béton armé. Il était très sensible, adorait la littérature, la musique. J’aime cette partie intime qui se dégage derrière une œuvre austère. Il y a de la poésie derrière son austérité. Dans ses espaces, j’aime la rigueur, l'ingéniosité dont il faisait preuve. Il faisait de l’upcycling avant l’heure avec beaucoup d’astuce. Et ça tenait la route, ce n’était pas du bricolage mais de l'inventivité au service d’un projet rationnel efficace. Il croyait beaucoup à la durabilité des choses. C’était une façon pour lui de continuer le chemin des maîtres architectes de l’antiquité. Il faisait de la modernité ancrée dans un héritage culturel millénaire : on le voit dans la salle de bain magnifique liée au vocabulaire du bain antique, avec sa fontaine style antique et sa baignoire creusée dans le sol comme un tombeau ! »

Comment avez-vous choisi les (nombreux !) artistes et les œuvres présentées ?

« J’avais envie d’exprimer certains thèmes comme la chouette et les anges, chers à Auguste Perret. Et il fallait évidemment que les œuvres sélectionnées se marient bien avec le lieu. Certaines sont des commandes spéciales, à l’instar du triptyque de totems en verre dichroïque et feuilles d'or Thomas Devaux installé dans la salle de bain, qui répond aux nombreux miroirs déjà présents. Toujours dans la salle d’eau, la Ice Chair de Paul Mathieu, prêtée pour l’occasion par la galerie Mouvement Moderne, toute petite chaise avec un poème gravé évoquant la sensorialité et le corps, s’y intègre parfaitement. »

Si vous ne deviez retenir qu’une œuvre, laquelle serait-ce ?

« Je suis très heureuse d’avoir pu exposer la sculpture de Sofia Loren façon Muse de l’Antiquité de Francesco Vezzoli car elle évoque la passion de Perret pour l’Antiquité. Les plis de la jupe résonnent avec les colonnes antiques. »