La genèse de votre exposition chez Silvera ?
« C’était bien de remontrer, re-mélanger un peu toutes ces pièces, de les voir ensemble dans un autre espace, après c’est qu’un échantillon de mon travail il y a encore beaucoup de choses à voir ! »
La designer Victoria Wilmotte déboule en scooter à toit estampé VW Factory au showroom Silvera Saint-Germain où une exposition lui est consacrée. Là-bas, elle revient sur ses 10 ans de design, retracés dans un livre éponyme.
10 ans ponctués de commandes pour des particuliers, créations pour des grandes maisons d’édition ou pièces auto-éditées sous son label VW Factory. 10 ans passés à expérimenter avec la tôle d’acier pliée, le marbre grec Volakas ou encore le velours violet de Pierre Frey récemment. Victoria fait des zigzags entre les projets et les matières, à l’image de son motif signature présent dans ses créations. Mais en une décennie seulement, la designer a su inventer une esthétique unique, devenue sa marque de fabrique. Elle la décrypte ici avant de retourner dans son atelier sur les quais pour marteler, souder, tester, créer…
La genèse de votre exposition chez Silvera ?
« C’était bien de remontrer, re-mélanger un peu toutes ces pièces, de les voir ensemble dans un autre espace, après c’est qu’un échantillon de mon travail il y a encore beaucoup de choses à voir ! »
« Le marbre et l’acier. Mais après il y a plein de surprises, de nouveaux matériaux à découvrir, comme le textile par exemple. Je connais très bien ce qui est métal, soudure et compagnie mais pas du tout le tissu. Le choix des matières est primordial, et il est vrai que ça m’est arrivé de me planter. Les matières mais aussi les finitions : c’est ce qui donne le côté luxe ou pas luxe. »
Une couleur ?
« Le violet en ce moment. J’avais prévu de faire toutes les assises en violet et après je me suis dit non ça va être too much ! »
Vos projets préférés ?
« J’aime tout : travailler sur des créations sur mesure, des projets auto-édités ou pour des maisons d’édition, c’est assez équilibré. C’est vrai que jusqu’à présent, le travail avec l’éditeur ça n’a jamais vraiment été un brief ou je construisais pour lui de A à Z avec trente-six contraintes. Je préfère travailler avec peu d’éditeurs, mais bien choisis ou auto-produire pour ne pas faire trop de compromis. »
« En général, les particuliers viennent me voir parce qu’ils ont déjà vu mon travail. Leurs demandes découlent la plupart du temps d’une pièce qui existe. Vu que je suis aussi en auto-édition je leur montre des protos et je dois simplement changer, améliorer quelques points. Partir de rien, j’aime moins, j’aime pas lutter mais en même temps c’est bien parce que ça force à sortir de sa zone de confort. »
Mass market ou design pointu ?
« Les deux ! J’ai travaillé avec des grands éditeurs comme La Redoute. J’avais par exemple sorti des petits guéridons, c’était diffusé avec des tarifs bien plus accessibles.»
Où créez-vous ?
« Dans mon atelier, Quai des Célestins. J’accumule beaucoup de choses, c’est devenu impossible de le transformer complètement en lieu d’exposition ! Mais j’ai un sous-sol où j’ai installé un showroom. »
L’histoire derrière votre livre ?
« C’était une façon de regrouper à travers des images les highlights de ces 10 ans de travail. »
Si vous deviez garder une seule de vos créations ?
« C’est dur comme question, je ne peux pas en garder qu’une ! Mais s’il faut vraiment faire un choix alors je dirais le miroir Piega. C’est une pièce que j’ai réalisée il y a longtemps, en 2010, à mes débuts. »
Quelle est l’histoire de ce miroir ?
« J’allais à l’époque en vacances dans le sud, et au bout d’un moment les vacances ça m’ennuie… Alors, je suis allée bricoler chez un métallier qui me laissait utiliser ses machines . Je jouais avec la plieuse et la cisaille. J’ai commencé à faire ce genre de plats en live sans dessiner, j’imaginais des patrons à plat, je coupais des bords, je faisais des plis, je reliais des points. C’était ça au début des petits plateaux maladroits. Un jour je me suis dit que ce serait intéressant dans une finition différente, j’ai vu un matériau qui faisait miroir/ métal, j’étais encore jeune et pas expérimentée mais c’était parti. »
Vos références artistiques ?
« Mon inspiration est très liée à l’univers industriel, aux machines. Plus qu’à un artiste en particulier. »
Les designers qui vous influencent ?
« En contemporain, pour moi, le designer à suivre c’est Konstantin Grcic. Et sinon, Jean Prouvé et Ettore Sottsass, bien évidemment.
Ils sont présents dans mon travail, la technicité de Prouvé et le côté plus graphique “amusant” de Sottsass. Prouvé il est dans la rigueur, l’objet sans le côté trop esthétisant, c’est la technique. »
Vos rituels de travail ?
« Je pense qu’il y a des gens qui ont des rituels assez scolaires, qui débutent toujours par des recherches… »
« Moi je suis pas là dedans, j’ai des envies, des idées, détails en tête, par exemple le plateau de la table, typiquement j’ai fait 500 dessins avec ces formes géométriques. Au départ, c’était ni une table ni une console, c’était rien, je savais que ça allait devenir quelque chose, puis je laisse de côté et je reviens dessus ensuite. Je ne me dis jamais : tiens je vais dessiner une table.
Normalement la fonction découle de la forme, ce qui est l’inverse de mon procédé, mais je veux quand même que mes objets aient une fonction claire. »
Un objet que vous souhaiteriez imaginer ?
« Peut-être un jour des vêtements, des chaussures, des semelles ! J’ai imaginé une valise avec Range Rover. La valise aujourd’hui c’est c’est un accessoire de mode. Mais je n’ai pas envie de me tourner vers le gadget, je veux imaginer des objets qui perdurent dans le temps. »
Est-ce que vous vous souvenez de la première pièce design que vous vous-êtes offerte?
« Une des premières pièces design qu’on m’a offerte c’était une lampe Nesso d’Artemid, la grande en plastique orange, très marquée sixties. »
Vos derniers coups de cœur ?
« J’ai découvert récemment une monographie de Lella et son mari Massimo Vignelli, deux designers italiens géniaux, ils ont travaillé dans le graphisme, sur le packaging de médicaments, de pâtes comme du design de mobilier… »
Un film ?
« Les films de Jacques Tati. Mais sinon j’ai quelques lacunes cinématographiques.
J’aimerai bien voir la version originale du film A Bigger Splash de 1973, j’ai juste vu la version de 2015 et il suscite ma curiosité. »
Un peintre ?
« Un artiste comme Hockney, c’est un personnage, moi j’adore les personnages. C’est rare aujourd’hui les gens qui sont pas trop lisses. »
« Je devais avoir 16 ans quand j’ai découvert Denise René, une galeriste de Saint Germain. Elle montrait beaucoup d’ optical art, d’art concret hypergéométrique. J’ai toujours adoré le travail d’Aurélie Nemours, Josef Albers.
Quand j’étais encore à l’école, je peignais beaucoup de formes géométriques imbriquées pour mes dossiers d’art plastique, j’étais déjà dedans sans le savoir. »