Quel a été ton premier choc esthétique ?
« Ma grand-mère avait plein de revues d’Art, où chaque numéro était consacré à un artiste. Je me souviens d’un numéro consacré à Botticelli. Je m’amusais à les recopier. Je dessinais beaucoup. »
Un poète, un prince, un brodeur, un dormeur ou encore un cueilleur se baladent toujours dans les dessins de Jacques Merle… Le peintre chérit ses personnages fétiches. Il les invite au plafond du fleuriste Debeaulieu, dans la piscine de l’hôtel le Grand Mazarin avec Maestria, ou sur la scène de la Philharmonie lors d’une performance pour le Live Magazine de Demain. Il va même jusqu’à les habiller en collaborant avec la marque de vêtements LYKS.
À l’image de la multiplicité des supports qu’il expérimente, le parcours de l’artiste est hétéroclite. Après un passage par Duperré et les Beaux-Arts à Bruxelles, Jacques Merle a commencé par broder avant de se sentir légitime pour dessiner. Depuis, il imagine un univers onirique bien à lui, en s’affranchissant des contraintes des adultes pour retrouver le tendre sentiment d’ennui de l’enfance. Une poésie qui se retrouve dans son trait et ses mots qui s’entremêlent à ses dessins. Rencontre dans son atelier à Montreuil.
Quel a été ton premier choc esthétique ?
« Ma grand-mère avait plein de revues d’Art, où chaque numéro était consacré à un artiste. Je me souviens d’un numéro consacré à Botticelli. Je m’amusais à les recopier. Je dessinais beaucoup. »
Dessin au crayon Tête d’un ange de Sandro Botticelli
Ta madeleine de Proust ?
« J’ai fait une exposition solo avec la galerie Maestria dont le titre était La maison où j’ai grandi. C’est en partie sur mes souvenirs d’enfance. J’ai grandi en banlieue parisienne mais j’ai passé beaucoup de temps à la campagne, dans le Berry, chez mes grands-parents, dans un petit village. Je me souviens d’un sentiment d’ennui, très doux, quand tu es enfant… Qu’on a du mal à avoir maintenant. L’ennui c’est beau. »
Exposition « La maison où j’ai grandi » de Jacques Merle, Maestria Collection © Alice Mesguiche
« Kiki la petite sorcière » de Hayao Miyazaki, 1989
Qu’est ce qui a forgé ton goût ?
« Les dessins animés, Hayao Miyazaki, forcément et les Disney aussi. Certains sont tellement beaux visuellement.
Puis, dans un autre registre, les rencontres faites lors de mes études à Duperré, on avait tous des styles différents. C’était très riche. »
Comment es-tu arrivé à la peinture ?
« J’y suis arrivé doucement. J’ai fini mes études à Duperré en design d’espace. Au départ j’avais envie de travailler sur des intérieurs. Puis, j’ai fait un an de dessin à Bruxelles, aux Beaux-Arts.
J’ai commencé à travailler les vêtements, plutôt des broderies. C’est un peu une question de confiance, se dire est-ce que l’on est artiste ou pas. Et le textile, ça me donnait envie, j’avais des amis qui le travaillaient. Mais, je me suis vite rendue compte que mon truc c’était le dessin, la peinture. Et il fallait que je sois là-dedans. Ça c’est fait aussi via rencontres, des commandes, ça m’a donné la possibilité de m’y consacrer. »
Collection capsule des Lykseries de Jacques Merle et LYKS
Tu jongles avec plusieurs médiums, qu’est ce qui te plaît dans ces différentes techniques ?
« J’adore tester de multiples supports. Le plus important pour moi, c’est le trait, le geste. Mes peintures ne sont pas travaillées en couche, c’est un travail de lignes. C’est une recherche de couleur, de spontanéité. Travailler des supports différents me donne une liberté. »
Ton style en quelques mots ?
Ta dernière collaboration ?
« La collab textile avec LYKS autour de la collection capsule « des Lykseries ». On a commencé à y réfléchir en mars dernier, on est parti un mois en résidence à la Villa Noailles. C’est là qu’on a commencé la collection et on l’a présentée au festival de mode, à la rentrée. »
Les inspirations derrière cette collection ?
« Max Denis derrière LYKS vient de La Réunion. Là-bas, ils ont une sensibilité à la broderie, au travail d’artisanat et moi aussi j’ai ça, dans un autre univers. Je pense qu’il y a un vrai échange entre nos deux univers.
Puis, Max avait envie d’habiller mes personnages, on est parti sur la brodeuse, le brodeur, le poète, la sirène. Via ces personnages que l’on retrouve dans mon travail, on a fait des vêtements. »
D’où viennent ces personnages ?
« J’adore les contes, les mythes religieux, ou pas. Petit, j’étais fasciné par la mythologie grecque. C’est un thème récurrent dans l’Art, qui forge des images hyper fortes. »
Un projet coup de pouce ?
« J’ai peint une fresque pour le fleuriste Debeaulieu, autour de la fleur forcément, elle s’appelle « Dans les prismes d’une fleur, je vois.. ». J’ai réfléchi aux personnages qui pourraient ressortir sur ce thème, j’ai travaillé sur le poète, le cueilleur, le dormeur et un musicien. »
Fresque mural de Jacques Merle, Fleuriste Debaulieu
C’est important pour toi les titres ?
« Oui très, ça fait partie de la recherche. Là en ce moment, je n’en fais pas trop mais ça dépend des périodes, j’écris des phrases qui me viennent sur mon téléphone, des bouts de poème. Et parfois ça commence comme ça, ça m’aide à nourrir des dessins. Comme je travaille souvent les mêmes thèmes, ça me donne un cadre pour explorer autre chose. »
Fresque mural de Jacques Merle, Hôtel Le Grand Mazarin © Jules Focones
Quelles sont les inspirations derrière le plafond de l’hôtel le Grand Mazarin ?
« Pour le Grand Mazarin, le groupe Pariente derrière le projet nous ont laissé pas mal de liberté avec ma galerie Mestria. J’ai fait des recherches autour des fleurs, de l’eau, et aussi autour du ciel. Ça a commencé comme ça, je cherchais une histoire qui tienne le projet.
On est dans un sous-sol, l’équipe voulait que l’on rentre dans cette piscine comme dans un monde, assez chargé, un peu féérique. J’ai pensé au mythe de Narcisse, avec l’eau forcément, les reflets. Le projet s’appelle « Le regard de Narcisse ». »
Fresque mural de Jacques Merle, Hôtel Le Grand Mazarin
Quelles ont été les différentes étapes de ce projet ?
« J’ai fait des dessins de préparation dans tous les sens. Mais en même temps, je voulais que ça reste de la recherche, que les bases soient là sur les croquis mais qu’il reste une part de surprise dans la réalisation. J’ai travaillé dessus durant un an en tout et j’ai été environ deux mois sur place. J’ai adoré ça. C’était des bonnes journées, après au bout d’un moment, c’est physique, tu es au sous-sol, avec des lumières de chantier, donc tu fatigues. »
L’endroit que tu aimerais découvrir ?
« Je rêve d’aller à Pompéi, j’ai très envie de voir les fresques, de voir cette ambiance arrêtée dans le temps. »
Un magazine que tu attends de lire avec impatience ?
La dernière exposition qui t’a marqué ?
« Je suis allé à une résidence artistique en Italie, en Toscane, avec Les Composantes.
On est allé voir le parc Niki de St Phalle, c’est incroyable. J’avais vu son travail de manière isolée, et c’est chouette de plonger dans son univers. C’est hyper poignant et elle est hyper sensible. Elle parle d’elle, de sa vie de femme. C’est très beau, très coloré. »
Croquis « Le garçon et le héron » de Hayao Miyazaki
Un film qui t’a inspiré ?
« Le film animé « Le garçon et le héron », que j’ai adoré. C’est sur le rêve, le deuil. C’est très symbolique et super inspirant. »
L’artiste qui te fascine ?
« Cocteau. On m’en parle souvent et en même temps je comprends, parce que c’est le maestro des lignes.
J’aime son côté polyvalent, c’est quelqu’un qui a fait de la peinture, du dessin, des fresques, des films. »
Ton projet fétiche de Cocteau ?
« La villa Santo Sospir, à Saint-Jean-Cap-Ferrat, où il a travaillé sur les murs, le mobilier, il y a tout un ensemble.
Récemment, des particuliers m’ont missionné pour investir leur maison. Ça va être plus petit évidemment mais j’adore cette référence et l’idée de faire partie de la maison sans que ça soit une œuvre précise, que mon univers s’inscrive dans les murs. »
L’architecte qui construirai la maison de tes rêves ?
« Le Facteur Ferdinand Cheval avec son Palais Idéal. »