C’est dans un paysage de rêve au cœur de la Vallée de la Loire, au sein d’un atelier installé sous les combles d’une dépendance du Château de Brissac qui est devenue sa maison, que la céramiste franco-malgache Landy Rakoto produit des objets du quotidien aussi rustiques que poétiques. La trentenaire, qui collabore avec la galerie GOODMOODS, se livre sur son amour des formes, son premier tour en plastique bleu et rouge et son envie de nature sauvage.
Quel a été votre premier choc esthétique ?
« Je ne sais pas si elle a été mon premier choc mais je repense souvent à la maison de mes grands-parents à Madagascar. Construite dans les années 60, cette bâtisse aux murs bruns-rouges intenses et à la végétation luxuriante d’un vert lumineux, au sol en marbre italien, aux meubles en bois précieux dessinés par ma grand-mère dans le style de Charlotte Perriand, abritaient de nombreux livres et autres petits objets d’art ancien. Tous ces détails et cette atmosphère m’inspirent encore aujourd’hui. »
Comment s’est manifestée votre sensibilité créative ?
« Après mes études à Londres, je me suis passionnée pour l’univers du Luxe et de ses métiers d’art : j’étais attirée par les objets bien faits, les belles matières. L’artisanat y tient une place majeure et cela m’intéressait. J’ai travaillé plusieurs années pour des belles maisons. J’ai pu rencontrer des architectes passionnés et passionnants qui m’ont donné le goût du design. »
Pourquoi avez-vous décidé de tout plaquer pour vous lancer dans un projet de musique solo à Berlin ?
« Je suis née à Paris, j’y suis restée longtemps et j’avais besoin de prendre l’air ! La vie de bureau me lassait et j’avais envie d’autre chose. Je faisais partie d’une association qui organisait des festivals de musique et j’ai voulu monter un projet à moi, m’y consacrer à 100%. La musique est un médium dans lequel je me retrouve beaucoup et Berlin est une ville vibrante. Quand je me suis installée en 2018, j’ai enfin pu ouvrir la porte à la créativité. »
A quel moment la céramique a-t-elle refait surface dans votre vie ?
« Le covid a rendu ma vie de musicienne compliquée. Privée de concerts et de festivals, j’ai eu envie d’expérimenter d’autres formes d’expression. Apprendre à manier l’argile au tour était resté dans un coin de ma tête. À la sortie du confinement, j’ai rejoint un atelier communautaire et la céramique est devenue une forme d’obsession. J’y étais tous les jours, toujours le nez dans la terre et dans les livres. Ça a été une forme de révélation ! »
Qu’est-ce qui vous a plu et qui vous plaît toujours dans la céramique ?
« Je trouve très excitant d’arriver rapidement à produire des objets aussi bien jolis que fonctionnels, tout en découvrant continuellement de nouvelles techniques. Il y en a tellement, qui nécessitent tel outil ou telle texture d’argile. J’ai encore tant de choses à apprendre ! Pour l’instant, je prends le plus de plaisir à travailler au tour. J’aime la répétition du geste, ce côté fluide et hypnotisant. »
Comment vous êtes-vous lancée ?
« J’ai ensuite travaillé dans le studio de Jérémy Bellina qui m’a appris la gestion d’un atelier de production de A à Z et m’a donné les compétences et la confiance nécessaires pour me lancer seule. J’ai pu collaborer à ce moment-là avec Nella Beljan et présenter mes premières pièces dans sa galerie de Kreuzberg. »
Après 3 ans à Berlin, vous avez installé votre atelier aux bords de la Loire.
« Sur le retour de Berlin, mon mari et moi avions envie de nature. Nous nous sommes installés dans une dépendance située dans les jardins du Château de Brissac aux bords de la Loire. C’est un lieu incroyable, caché dans un écrin de verdure. J’ai installé mon atelier dans les combles de la maison. Sous la charpente en bois de l’époque et dans un puits de lumière, j’ai placé mon tour. C’est cette intemporalité qui m’a charmée, et que j’essaie de retranscrire dans mes objets, toujours dans cette idée de laisser s’exprimer la beauté dans les imperfections. »
Comment dialoguez-vous entre forme et fonction ?
« Depuis mes débuts, j’ai toujours été portée par cette intention d’équilibre entre forme et fonction. Trouver le beau de la forme dans ses potentialités d’usage. Lorsque j’ai créé mes tasses à café Eared, j’ai travaillé les lignes rondes pour retranscrire la tendresse et la chaleur que peut évoquer un café matinal. L’objet se distingue par ces deux boules qui tombent parfaitement entre les doigts. J’essaie toujours d’amener une singularité, toujours surprenante dans la forme, et équilibrée dans la fonction. »
Quelles sont vos couleurs fétiches ?
« Intuitivement, je me tourne plus facilement vers les bruns, les crèmes et les verts, toujours en douceur. Les coloris organiques et naturels me semblent toujours plus intemporels. J’y ajoute des jeux de textures créés par diverses méthodes d’application des émaux. »
Quelles sont vos autres inspirations ?
« Le design de mes pièces est empreint d’un minimalisme volontairement rustique mais aussi moderne et chaleureux. Je m’inspire des lignes des poteries anciennes que je twiste grâce à une touche futuriste, comme pour le Vase UFO, qui est aussi un peu pop. Je me tourne vers des formes très simples, imparfaitement géométriques et uniques. Je m’inspire beaucoup de la philosophie et de l’esthétique Wabi Sabi, aussi du travail des artisans de Marolles ou encore les poteries du néolithique tout en étant très sensible à l’esthétique futuriste et space age des intérieurs des années 70. J’aime naviguer à travers des mondes et des récits différents, cela résonne beaucoup avec mon histoire. »
La collaboration avec Goodmoods vous a-t-elle permis d’explorer de nouveaux terrains de jeu ?
« En effet, j’étais désireuse d’explorer les luminaires et c’était l’occasion parfaite. Camille est une grande lampe dont le pied en grès tourné à la main reprend les lignes de mon vase UFO, dont la forme rétro futuriste évoque un vaisseau spatial antique. Je l’ai déclinée en vert forêt intense pour une touche un peu pop ou en brun ambré pour un style plus rustique. L’abat jour est fait main en coton tissé. »
La collaboration est disponible en ligne !
Un artiste, designer ou décorateur que vous admirez ?
« Kim Mupangilai : une architecte d’intérieur et designer belgo-congolaise basée à New York. Dans son appartement de Brooklyn, j’aime beaucoup sa sélection de pièces vintages occidentales et africaines. Les nuances des différents bois et autres matériaux bruts comme les pierres qui constituent les pieds du lit donnent une atmosphère particulièrement apaisante à cet intérieur. »
« Marine Bonnefoy, une architecte basée entre Paris et Marseille dont j’aime beaucoup le travail des formes, des matières et des couleurs. Elle a récemment conçu une maison écologique en terre crue. »
Les comptes Instagram qui nourrissent votre inspiration ?
Y a-t-il un décor de film ou un clip qui vous a particulièrement tapé dans l’œil ?
« Celui du Grand Budapest Hotel de Wes Anderson (2014), notamment la réception de l’hôtel avec d’un côté les verts et les oranges un peu passés qui lui donnent ce côté suranné, et de l’autre les grandes colonnes en marbre qui apportent cette touche organique, indispensable selon moi dans un intérieur. »