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Le mood de

Alissa Volchkova

Née à Moscou, Alissa Volchkova s’envole pour la Ville Lumière aux côtés de sa sœur et de sa mère en 1993, deux ans à peine après la chute de l’URSS. La designer, qui a quelque temps travaillé en tant qu’architecte d’intérieur, se consacre aujourd’hui à la conception d’objets, expérimentant les techniques et jonglant avec les matériaux. À l’occasion de sa collaboration avec GOODMOODS, la Parisienne se livre sur son changement de vie, ses rêves de mode, son amour des contes pour enfants et le fil rouge qui relie toutes ses créations. Rencontre.

Série Potelé de Alissa Volchkova

Avez-vous grandi dans un environnement très artistique ?

 

« Mon père était homme d’affaire mais ma mère, femme au foyer, a toujours été quelqu’un de très créatif : elle dessinait et peignait beaucoup. Tout comme ma grand-mère, qui peignait également et confectionnait des tapis. Quant à moi, j’étais une enfant très créative et mes parents m’ont toujours encouragée. À Moscou, avant de nous envoler pour la France en 1993, je pratiquais le piano. Arrivée à Paris, j’ai continué le dessin et la peinture et j’ai suivi des cours d’arts plastiques au Musée des Arts Décoratifs. Il était évident que j’en ferais mon métier plus tard. »

Liquid Series de Alissa Volchkova © Sylvain Deleu

Enfant, comment se manifestait votre créativité ?

 

« Je dessinais énormément, que ce soit des bandes dessinées ou des contes que j’illustrais. J’étais passionnée par les écrits d’Andersen et les contes, notamment russes et suédois. Cette imagerie m’a beaucoup influencée. Les Russes sont particulièrement friands des contes d’Andersen, qui font partie de la littérature connue de tous les enfants. Puis, en France, j’ai découvert Jean de la Fontaine, vers 9 ans. Pendant les cours d’arts plastiques, nous devions croquer le bestiaire de ces fables, et mes images plaisaient beaucoup à mes professeurs. Ces exercices m’ont permis de développer encore davantage ma créativité. »

Pourtant, vous avez préféré vous diriger vers l’architecture et non l’art. Pourquoi ?

Portrait de Alissa Volchkova

« J’avais conscience de la difficulté de gagner sa vie grâce à son art. J’ai donc cherché une filière plus réaliste. J’ai fait une classe préparatoire à Penninghen, puis suivi une formation d’architecture d’intérieur à l’école Camondo. Diplôme en poche, après quelques stages, notamment chez Gilles & Boissier, je suis retournée en Russie afin de travailler aux côtés de mon père, qui ne nous avait pas suivi à Paris et continuait à ouvrir des restaurants. 

Mais passer mes journées devant un ordinateur ne me correspondait pas. Ce genre de projets sont toujours longs à démarrer et il faut du temps avant d’en apprécier le résultat. D’autre part, notre créativité est mise à mal par toutes les contraintes auxquelles nous devons faire face. Pour quelqu’un comme moi, qui ai besoin d’exprimer ce que j’ai en tête, là, maintenant, tout cela peut s’avérer frustrant. Mon père a remarqué que dessiner des plans ne me rendait pas heureuse. Il m’a poussée à poursuivre mon rêve d’étudier au Royal College of Arts, à Londres, malgré mon âge qui me freinait. Finalement, à 30 ans, j’ai été prise ! »

Que retenez-vous de cette expérience ?

Stone age cristal gobelets « Out of the blue » de Alissa Volchkova

« Il m’a été très difficile de mettre ma vie entre parenthèses. Je devais me concentrer à 100% sur mes études. Mais je ne regrette pas, cette formation m’a appris tant de choses ! J’étais épanouie et j’ai eu plus de débouchés à la fin de ces deux années qu’après Camondo :  beaucoup de projets, des expositions… Ce n’était pas du tout une perte de temps. »

Série Potelé de Alissa Volchkova

Quelle est l’œuvre qui vous a fait connaître ?

Liquid Series de Alissa Volchkova © Sylvain Deleu

« La collection Liquid Series, l’un de mes projets de fin d’année, a retenu l’attention des médias et a propulsé mon travail sur la scène internationale. J’étais en section céramique et verre au Royal College of Arts, mais contrairement aux autres étudiants, je n’avais aucune connaissance de ces matériaux. Je savais que je n’allais jamais devenir maître artisan en à peine deux ans et je ne voulais pas non plus choisir entre ces deux disciplines. J’ai cherché à faire de cette faiblesse une force. Au départ, mes professeurs étaient sceptiques : ils trouvaient ma démarche trop facile. Je me suis concentrée sur le moulage. Pour ce projet, je me suis heurtée à une difficulté :  je ne savais pas comment fabriquer les bordures des assiettes. C’est en expérimentant la matière liquide de la porcelaine que les Liquid Series ont pris vie. » 

Liquid Series de Alissa Volchkova © Sylvain Deleu

Liquid Series de Alissa Volchkova © Sylvain Deleu

Vos projets sont très éclectiques. Quel est leur point commun, le fil rouge de votre travail ?

« Je dirais le moulage et le côté imparfait de mes créations. J’aime que mes imperfections transparaissent sur mes objets : cela leur donne un côté humain. J’expérimente avec toutes sortes de matériaux – principalement le verre et la céramique mais également le cristal ou encore le marbre – et de savoir-faire sans en maîtriser aucun à 100%. 

Honey me de Alissa Volchkova

Série Volcano de Alissa Volchkova

Stone Age Marble de Alissa Volchkova

Honey me de Alissa Volchkova

Stone Age Marble de Alissa Volchkova

Série Volcano de Alissa Volchkova

La surprise de l’objet final me plaît particulièrement et les techniques que j’utilise laissent toujours une part de spontanéité à la matière, lui permettent de s’exprimer. Je débute le moulage et ensuite le matériau réagit, fait son travail, ce qui est assez magique, à mon sens. Mes objets sont comme les membres d’une grande famille : imparfaits et différents. Parfois je n’ai aucun contrôle sur mon travail, et c’est tant mieux. »

Quelle est votre palette de prédilection ?

 

« J’adore travailler les couleurs, qui agissent beaucoup sur notre mental. Je me suis récemment plongée dans The Secret Lives of Colour de Kassia St Clair, qui évoque l’histoire et l’origine des coloris. Par exemple, si aujourd’hui le rose est associé aux filles et le bleu aux garçons – même si, heureusement, on tend à s’éloigner de plus en plus de ces clichés -, historiquement le rose et le rouge représentaient la puissance masculine. Les femmes, elles, étaient plutôt associées au bleu, comme la Vierge Marie. J’ai été très attirée par les verts, les bleus, ou alors l’alliance du vert et du rose, très demandée, et que j’aime toujours travailler. Ces trois nuances sont mes teintes de prédilection. Ma garde-robe est multicolore et j’ai beaucoup de mal à travailler les gris et les marrons. »

Qu’en est-il de la série Volcano dont font partie les pièces sélectionnées par GOODMOODS ?

Série Volcano de Alissa Volchkova © Sylvain Deleu

Vase Volcano de Alissa Volchkova

« J’ai commencé à développer cette collection en 2016, au Royal College, alors que je tentais d’apprendre le soufflage du verre. J’ai tenté de souffler un bol mais cette technique est si difficile, si physique que j’ai rapidement laissé tomber – je travaille aujourd’hui avec un souffleur de verre, car le soufflage est le savoir-faire d’une vie.

Vase Volcano de Alissa Volchkova

Série Volcano de Alissa Volchkova © Sylvain Deleu

J’avais remarqué que l’extrémité des pièces sortant du moule est sectionnée puis jetée. J’ai voulu mettre cette partie là en avant, l’exagérer. Montrer l’irrégularité du verre qui, plus il est chaud, plus devient liquide. J’ai fabriqué deux moules très simples – un bol et un vase cylindrique plus en hauteur – qui sont la base de tous ces objets. Le reste, la partie supérieure, est totalement aléatoire. »

 

Série Volcano de Alissa Volchkova

Série Volcano de Alissa Volchkova © Sylvain Deleu

D’où vient le nom de la série Volcano ?

 

« Le fait de souffler, de faire sortir la matière du vase m’a fait penser à un volcan en éruption qui régurgiterait de la matière. La couleur et la texture du verre en fusion évoquent aussi la lave. »

Qu’est-ce qui a façonné votre goût ?

Paris © Thibault Charpentier

« Le fait de vivre en France. Paris est la plus belle ville du monde, même si les parisiens ne s’en rendent pas forcément compte. Quand j’ai débarqué enfant, toute cette beauté m’éblouissait. Que ce soit les restaurants, la mode, les rues, les perspectives, tout est beau. Je venais de la Russie communiste et nous n’avions rien de tout cela. Nous avons visité beaucoup de musées ma sœur et moi, ce qui a influencé notre vision de l’esthétique.

A un moment, je voulais devenir styliste, car c’était la grande époque de Valentino, de John Galliano chez Dior, de Tom Ford chez Gucci. Je dessinais des pages et des pages de filles en robes du soir et recopiais les tenues des magazines. J’étais obsédée par les défilés en plein âge d’or des grands top models, dans les années 90. »

Y a-t-il un décor de film qui vous a marquée ?

 

« J’adore Tim Burton, notamment Edward aux mains d’argent et Charlie et la Chocolaterie. Ce réalisateur arrive à recréer du rêve. Aussi, quand j’étais enfant, en Russie, nous n’avions pas accès aux dessins-animés Disney. J’ai grandi en regardant des films en stop-motion aux personnages de laine très poétiques. »

Charlie et la Chocolaterie de Tim Burton, 2005

Quelle est votre madeleine de Proust ?

 

« La nourriture russe, qui me transporte dans mon pays d’origine. Ces goûts et ces odeurs me rattachent à mon enfance, à ma famille et me rendent nostalgique de cette époque. J’aimais beaucoup la Russie et j’ai été très triste de la quitter. Je me prépare régulièrement des plats russes et achète dans une épicerie du boulevard des Batignolles des bonbons et autres biscuits typiques afin de m’y replonger. »

Exposition de James Turrell à la Pace Gallery, Genève, 2022

Quelles sont vos dernières expositions coups de cœur ?

 

 

 

« Les installations interactives de Super Blue que j’ai vues à Miami et l’exposition de James Turrell à la Pace Gallery, à Genève, galerie d’art dirigée par ma sœur. »

© Grégoire Couvert

Le dernier créatif que vous avez découvert et qui vous a bluffé ?

 

« Stéven Coëffic, qui a reçu la Mention spéciale du jury à la dernière Design Parade de Hyères, festival international de design. »

© Grégoire Couvert

Quels sont les comptes Instagram ou les magazines qui nourrissent votre inspiration ?

 

« J’essaie de ne pas me laisser influencer de manière générale, donc j’évite de trop me laisser tenter par Instagram. En revanche, pour m’inspirer, je visite des musées, consulte des livres anciens, regarde des objets antiques et préhistoriques, la base de tous mes projets. Il m’arrive de feuilleter des magazines de design, mais davantage pour observer les tendances à travers les images et les couleurs utilisées. »

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