Designers
il y a 1 semaine
Derrière l’esthétique furieusement épurée de studioutte, se cachent deux designers et décorateurs au tempérament très milanais : Guglielmo Giagnotti et Patrizio Gola. Le premier s’est formé chez Vincent Van Duysen en Belgique, le deuxième chez Dimore, en Italie. Il y a quatre ans, ils ont fondé ensemble à Milan studioutte (contraction de « studio » et « utte » qui désigne la cabane, l’abri), cabinet multidisciplinaire avec lequel ils ont sculpté une élégance racée, touchant au juste équilibre entre le primitif et le contemporain, l’enveloppant et le dépouillé.
À l’occasion de la Milan Design Week 2024, studioutte présente ses premières éditions chez Nilufar ; signe l’installation du stand de District Eight au Salone ; et dévoile une nouvelle collection personnelle (une table et de quatre chaises, dont une édition dessinée pour Monde Singulier) finement scénographiée dans un espace habillé de satin rouge et d’aluminium. Rencontre avec le duo milanais à suivre de près.
SALA D’ATTESA
Via Venini 90, Milan
Du 11 au 21 avril (10h/19h30)
Quel est le jour et l’heure ? Que faites-vous habituellement à ce moment de la semaine ?
« Vendredi, il est 12h34. Nous avons l’habitude de réserver un déjeuner dans un restaurant de poisson proche du bureau où nous allons tous ensemble. Aujourd’hui, nous sommes bien sûr occupés avec l’installation à Milan. »
Installation SALA D’ATTESA de Studioutte, Milan Design Week 2024 © Carlotta Manaigo
Quelle est la philosophie de studioutte ?
« La vision de studioutte est distinctement italienne tout en étant une réalité intégrée et harmonieuse. Son design hybride est composé de recherches sur l’architecture vernaculaire et d’influences provenant de diverses pratiques régionales. Grâce à une approche claire et expressive qui évite les éléments réitérés et extrêmes, l’objectif est la pureté, une concentration dans une essence primitive. »
Rootine Wellness Club par Studioutte, Munich © Romain Laprade
Quelle est la genèse de votre exposition SALA D’ATTESA ?
« SALA D’ATTESA est un hommage à l’incomplétude mesurée, au processus de solidification de l’architecture, du textile à la maçonnerie. Il s’agit du passage de l’origine fibreuse de l’architecture à sa consolidation en trame de maçonnerie. Ce statut est fait de structures d’aluminium répétées, privées de rythme ou de méthodologie. »
« L’imprécision d’une pièce et ses déclinaisons est le point de départ de la recherche de studioutte. Elle se mesure au principe protecteur et isolant de l’architecture, rappelant son état inachevé et suspendu dans le temps. »
« Les formes synthétiques répondent de manière décisive à son altération. Le satin, les profils, le sol métallique ne sont que le prétexte à la narration d’un univers affirmé et répété, composé de petites architectures.
Grâce à l’utilisation de matériaux inhabituels, leur état change en s’approchant du passé et en le rejetant. Les quelques objets qui peuplent la pièce se projettent vers une stase qui reste « en attente » d’ici et maintenant, ne serait-ce que momentanément. »
La palette de couleurs qui suit la scénographie ?
« Une couleur “Coton du Diable” pour le tissu satiné de DEDAR et de l’aluminium. »
Installation SALA D’ATTESA de Studioutte, Milan Design Week 2024 © Carlotta Manaigo
Des projets sur lesquels vous travaillez actuellement et dont vous êtes fiers ?
« Beaucoup ! Un grand appartement à Milan ; une villa à la frontière suisse ; une maison pour un ami à Anvers ; des collaborations avec des marques de mobilier très importantes ; et notre première collection pour la galerie Nilufar. »
Table basse Cro, Collection Rood par Studioutte pour Nilufar
Vos désirs créatifs du moment ?
« Développer des projets à plus grande échelle, plus dans le domaine de l’architecture. »
Votre madeleine de Proust ?
« L’odeur d’encre des dessins à la main. »
Un matériau que vous avez utilisé récemment ?
« Nous testons de plus en plus d’inserts métalliques froids ou de panneaux. »
Installation SALA D’ATTESA de Studioutte, Milan Design Week 2024 © Carlotta Manaigo
Qu’est-ce qui, selon vous, a influencé et façonné votre goût ?
« L’histoire de nos familles (la tante de Patrizio est une décoratrice d’intérieur établie, et Guglielmo est issu d’une famille d’architectes), de nombreux livres, le besoin de sobriété. »
Forme, fonction ou fantaisie ?
Rootine Wellness Club par Studioutte, Munich © Romain Laprade
Votre dernier coup de cœur artistique ?
« Les défilés Armani du début des années 1990 ; L’exposition Luc Tuymans on Baroque à la Fondation Prada ; Barry Lindon. »
Exposition Luc Tuymans on Baroque, Fondation Prada
La prochaine pièce de design et/ou de mode que vous aimeriez acheter ?
« Une chaise ou un tabouret de Giuseppe Pagano. »
3 artistes et designers qui vous influencent ?
« Schindler, Burri, Carl Andre et bien d’autres… »
La dernière adresse qui vous a marqué ou que vous aimeriez découvrir ?
« Nous aimerions visiter Lubjana en Slovénie, l’architecture de Plečnik… »
Le lieu culturel où vous pourriez retourner chaque semaine ?
« La maison de John Soane à Lincoln’s inn field, Londres. »
Un décor de film ou un lieu qui vous a marqué ?
« La maison dans le film « Interiors » de Woody Allen. »
La musique que vous écoutez en boucle en ce moment ?
« Rigoletto de Verdi. »
Un artiste qui vous étonne ?
« Carol Rama, parce qu’elle est provocatrice et anarchique. »
Un mouvement artistique préféré ?
« Tous les maîtres flamands de la période baroque, pour le soin absolu apporté à la représentation des intérieurs et de la lumière. »
Le livre/magazine qui trône sur votre table basse ?
« Canti Orfici de Dino Campan : une ancienne monographie de Noguchi. »
Une musique à écouter en boucle ?
« Tous les albums de Franco Battiato. »
