Artistes
il y a 2 jours
Figure majeure du néo-cinétisme contemporain, l’artiste argentino-espagnol Felipe Pantone a débuté dans le graffiti sous le pseudo Pant1, couvrant les murs de ses expérimentations techno-chromatiques avant d’étendre son terrain de jeu aux avions, monoplaces de F1 et buildings entiers avec son art cinétique.
Aujourd’hui, après être passé de la rue aux galeries internationales, il pousse encore le curseur artistique en créant sa résidence d’artistes, Casa Axis. Son projet le plus ambitieux à ce jour prend place à L’Eliana, près de Valence, au cœur d’une architecture Space Age signée Antonio Segura. Expérimentale et radicalement singulière, cette maison spectaculaire (elle a servi de lieu de tournage de l’épisode Beyond the Sea de Black Mirror), est résolument propice à la création. Là-bas, les équipes de Felipe Pantone prolongent sa vision : dégradés hypnotiques, motifs pixellisés et technologies (algorithmes, impression 3D…) dialoguent avec des œuvres in situ d’artistes contemporains invités à faire mûrir leur travail en résidence.
Cinquante ans après sa construction, et deux ans après le début de sa rénovation, la maison entame sa nouvelle vie, inaugurée avec Antonio Segura lui-même cet automne. L’occasion de découvrir ce projet manifeste avec Felipe, toujours le visage caché, mais ses inspirations pleinement dévoilées.
Votre mood du jour, en un mot ?
Comment avez-vous découvert l’architecture qui abrite aujourd’hui Casa Axis ?
« C’est elle qui m’a trouvé. Je suis tombé dessus alors que je cherchais à acheter un espace de travail. Elle avait été abandonnée pendant quelques années, mais elle dégageait une énergie folle, comme si elle attendait de devenir autre chose. J’y ai vu un potentiel. Alors j’ai tout misé dessus. »
Felipe Pantone sur le plongeoir de la piscine de la maison d’Antonio Segura © Nacho Errando & Carmen Errando pour AD España / Casa Axis
Pourquoi « Casa Axis » ?
« Axis comme l’axe, parce que c’est l’endroit où des forces opposées peuvent s’aligner. Casa Axis a été conçue pour être une maison rotative. Aujourd’hui, c’est un lieu où tout pivote : l’art, l’architecture, la musique, le design, les gens… Casa parce que, malgré l’échelle, ça reste une maison. »
© Nacho Errando & Carmen Errando pour AD España
« J’ai grandi avec le graffiti et la peinture en analogique, mais la technologie a ouvert de nouvelles dimensions, littéralement. J’utilise désormais tout, des imprimantes UV aux algorithmes, des fraiseuses numériques aux pistolets sans air. La technologie ne remplace pas l’instinct, elle élargit simplement le terrain de jeu. »
Quel est votre rapport à la couleur aujourd’hui ? Est-il toujours aussi instinctif qu’avant ?
« Toujours instinctif, mais désormais plus conscient. J’ai passé des années à étudier la manière dont la couleur se comporte dans le mouvement, la lumière, les contextes numériques et analogiques. Je suis mes réactions viscérales, mais je pense aussi au flux optique, à la fatigue perceptive… »
Quel type d’expérience en résidence proposez-vous aux artistes ?
« Casa Axis n’est pas un hôtel ; c’est un lieu dédié aux artistes qui ont déjà une voix forte et veulent aller plus loin. Il n’y a pas de cadre fixe, mais l’énergie du lieu invite à l’expérimentation. Certains viennent pour se déconnecter, d’autres pour produire. Je ne contrôle pas dans le détail, je tiens simplement l’espace. »
Y a-t-il un lien entre les œuvres produites à Casa Axis et le lieu lui-même ? Une sorte de dialogue in situ ?
« Absolument. La maison s’infiltre dans les œuvres. Que ce soit la lumière, les textures, le silence, ou le chaos des rénovations en cours, tout le monde finit par y répondre d’une manière ou d’une autre. Ce n’est pas un terrain neutre. Elle a une présence. »
Comment sélectionnez-vous les artistes invités en résidence ?
« Je cherche des artistes qui me touchent : des personnes qui suivent leur propre voie sans courir après les tendances. La plupart du temps, ce sont des amis, parfois des inconnus. Mais j’ai besoin de sentir une étincelle, l’idée qu’ils vont apporter quelque chose d’inattendu à la maison. »
Les résidents actuels de Casa Axis, et ceux à venir ?
« Nous avons récemment accueilli Boris Acket, qui a travaillé sur une installation avec moi, Agustín Hans, un jeune artiste argentin dont la pratique se concentre sur l’abstraction. Nous allons bientôt recevoir à nouveau Lucifero666. Il prépare une grande installation permanente qui sera incroyable, ça prend juste un peu de temps ! »
Millorada per Sempre, Agustín Hans x Felipe Pantone, Casa Axis, 2025
Pouvez-vous nous dire quelques mots sur les pièces que vous avez réalisées avec Sabine Marcelis ?
« Elle a conçu les portes d’un placard dans le hall d’entrée de la maison. Ce sont des portes en miroir teinté avec des dégradés de couleur qui vous accueillent et vous raccompagnent. Elles vous reflètent en couleurs : une magnifique manière de vous saluer à l’entrée ou à la sortie de Casa Axis. »
D’autres collaborations que vous aimeriez mentionner ?
« Je travaille personnellement sur plusieurs collaborations ultra-excitantes dont je ne peux pas encore parler. Je considère les collaborations comme des masterclasses, c’est-à-dire l’occasion de passer du temps et de travailler avec des leaders de leur domaine, dans des univers que je ne connais pas forcément bien. J’ai récemment beaucoup appris et contribué à un produit spécifique que j’ai vraiment hâte de montrer ! »
Trois jeunes artistes à suivre ?
« Lucas MRKA Benarroch, Lucifero666, Marcos Ch3lo. »
