Anthony Authié, le fondateur de Zyva Studio, a su garder une âme d’enfant. Le cœur de cet architecte bercé dans les années 90 balance entre l’univers rétro de Tetris et Mario, pop culture actuelle et références ultra pointues. Après avoir écrit un roman échappatoire sur ses premières années en cabinet d’archi, il fonde son propre studio et se fait connaître grâce aux images 3D réalistes de ses projets fictifs. Depuis, il cultive une esthétique futuriste et acidulée, et multiplie les projets éclectiques et décalés, dont les bureaux du chroniqueur, humoriste et acteur Panayotis Pascot, des collaborations avec Charlotte Taylor et Victoria Magniant, et une participation aux côtés de Laura Gonzalez, Tom Dixon et Constance Guisset à Design Capsule, projet de NFT à la croisée des mondes physique et numérique. Pour Goodmoods, il livre le Mood qui lui a inspiré son appartement de Bagnolet, fraîchement terminé.
Votre palette de couleurs ?
« Le vert d’eau, le jaune, le gris et le orange. »
Vos matières fétiches ?
« Un terrazzo gris, le chrome et le feu. »
« J’étais fasciné par la boutique Valentino imaginée par David Chipperfield, où un terrazzo gris, travaillé comme un monochrome, court du sol au plafond, créant un univers immersif au motif hypnotique.
Le feu est plutôt un motif qu’une réelle matière, et c’est un des fils conducteurs de ce moodboard. »
Un lieu inspiré de ce Mood ?
« Il s’agit de mon appartement situé à Bagnolet, du côté de Montreuil. Il n’est pas très grand – 55 mètres carrés – mais jouit d’un gros volume et d’une structure spatiale intéressante. Notre budget étant limité, nous avons privilégié la création d’un univers singulier plutôt qu’une refonte totale.
Inspirés de Miami Vice, nous avons recouvert la partie supérieure de grandes verrières afin de pouvoir observer nos invités depuis notre chambre à coucher. Nous avons beaucoup travaillé l’idée du monochrome afin d’obtenir un effet d’immersion totale. »
L’inspiration de ce mood ?
« La collection Printemps-Été 2019 de Marine Serre. »
« Et également Johnny Hallyday et son “Allumez le feu”. Nous nous sommes beaucoup amusés avec les flammes, motif que l’on retrouve sur les rideaux de la chambre à coucher pour jouer sur le côté torride. J’aime jouer et créer des sortes de blagues architecturales.
La mode m’inspire beaucoup car il s’agit selon moi du domaine de l’avant-garde, où on laisse la part belle à l’expérimentation, que ce soit en termes de matières ou de formes. »
Un créateur qui incarne ce mood ?
« Alix Coco, que j’ai rencontrée via les réseaux sociaux. Sa personnalité est assez dingue, très exubérante. J’ai découvert ses pièces lors d’une Paris Design Week, à l’espace Commines, et j’ai été un peu perturbé car on a du mal à savoir s’il s’agit d’une esthétique nouvelle ou d’une esthétique du Moyen-Âge qu’elle aurait revisitée. Son approche est assez difficile à définir à première vue et demande qu’on s’y attarde. Nous avons beaucoup accroché et notre travail respectif nous parlait mutuellement.
Elle se plaît à dessiner de petits personnages qu’elle met en scène dans des sortes de pièces de théâtre, ce qui colle bien avec mon idée du design un peu régressive, mon fantasme autour des jouets. J’adore Toy Story, et je rêve de voir peluches et poupées prendre vie la nuit. D’ailleurs, certains de ses meubles ressemblent à des dinosaures, comme le Rex du film. »
Un objet ?
Un look ?
« Le passage 37 du défilé homme de Louis Vuitton printemps-été 2023. Dans un décor qui s’apparente à un circuit de petites voitures Hot Wheels, ce qui fait à nouveau écho à l’enfance.
Ce look me parle particulièrement car j’y vois une armure qui fait aussi office d’enceintes et de protection pour partir à l’aventure. On dépasse le simple vêtement qui devient une structure presque issue des jeux Transformers. J’ai aussi travaillé sur les “power-assist robot suits” qui aident les gens à soulever des charges lourdes notamment. Des sortes de “surcorps”, de second corps qui nous enveloppent et nous permettent de nous développer dans notre environnement. Cette idée se rapproche de ma vision d’un potentiel futur, où nous aurons des carapaces qui nous aideront dans notre quotidien et créeront des mondes hybrides et des versions hybrides de nous-mêmes. »
Un artiste ?
« Ma copine, Adèle, avec qui j’ai conçu cet appartement, m’a fait découvrir Claude Rutault. Son idée était de créer des monochromes : la couleur du mur où sont accrochés les toiles, sont de la même teinte que le tableau lui-même. Encore cette idée d’immersion totale créée par des monochromes qui m’obsède. Surtout, je suis certain qu’il avait beaucoup d’humour, car les galeristes qui voulaient exposer son travail se retrouvaient face à trois solutions : soit l’artiste leur donnait les toiles, mais il fallait repeindre les murs dans leur teinte exacte, soit il peignait ses toiles à la couleur des murs, soit il leur donnait des toiles vierges et ils devaient peindre les toiles et les murs dans la même couleur. »
Un film ?
« The Mask de Chuck Russell, 1994. Un film de mon enfance, encore ! L’histoire d’un homme timide, mal dans sa peau, qui a besoin de ce masque pour se créer une personnalité exagérée telle une caricature. Selon moi, le côté caricatural permet d’aller à l’essentiel, de montrer les points importants. Et puis, Jim Carrey est un peu une caricature de lui-même. »
La bande son de ce moodboard ?
« Les Cactus de Jacques Dutronc. Dans ce morceau, Jacques Dutronc parle de choses très sérieuses mais de manière détournée et légère. Ce choix semble détonner avec mon univers, pourtant je suis assez paradoxal, aussi bien dans mon travail que dans ma personnalité : j’ai un côté très réac’ couplé à une grande nostalgie d’un monde d’avant. Je fantasme ces cartes postales magnifiques de ma mémoire que je régurgite ensuite pour en faire quelque chose d’actuel. »
Un musée à visiter pour être dans ce mood ?
« Les expositions de la galerie New Yorkaise Super house. J’ai connu cette minuscule galerie sur les réseaux. Je n’y suis jamais allé et pourtant je m’en inspire beaucoup. L’espace est très réduit, à peine une dizaine de mètres carrés il me semble, que l’on visite presque par la vitrine. A chaque nouvelle exposition ils créent un nouveau monochrome pour mettre en avant leur sélection d’artistes très pointus. »
