Styles
6 décembre 2022
Styles
6 décembre 2022
Avec une apogée en 1730, le style rocaille ancien Régime qui s’inspirait des grottes, rochers reconstitués et coquillages est en plein renouveau. Ces temps-ci, les créatifs réinterprétent le courant en puisant leur inspiration du côté de l’océan. Les designers et artistes contemporains (Paul Bonlarron, Marthe Simon & Paul Peller, Hugo Drubay, Etienne Marc, Sophie Brillouet) collectionnent les coquillages et autres trésors marins pour composer des créations iodées et afficher des cabinets de curiosités singuliers.
Les significations sont multiples : la coquille Saint-Jacques pour le pèlerinage de Compostelle au restaurant Carmona ; la calade de cailloux pour les décors de la villa Kérylos à l’Oursinade ; ou encore les chandeliers en coquillages nacrés pour la célébration des nuits de noces chez Acne Studios… Plongeon dans les tréfonds de l’océan.
Mood
IODÉ
Trésor
COQUILLAGE
Discipline
ORNEMENT
Berceau
FRANCE
L’obsession pour les coquillages ne date pas d’hier. Dans les natures mortes des peintres de la réalité du 17ème siècle, les coquillages sont une invitation à observer la nature, en contraste aux représentations grandiloquentes des rois et des puissants. À l’époque, les artistes sont particulièrement en proie à des objets rares pour leurs collections de curiosités, et les coquillages, exotiques et très coûteux, se constituent en preuve muette de leur richesse. Une éloge des biens matériels à découvrir dans l’exposition « Les Choses : une histoire de la nature morte » jusqu’au 23 janvier 2023 au Louvre.
Cette année, le festival Design Parade Toulon rendait un hommage sensible et singulier aux trésors rocheux de la Méditerranée. Le designer Paul Bonlarron présentait sa « Toilette aux coquillages », un écrin nacré traduisant son goût pour l’ornementation à travers une scénographie d’objets rocailleux précieux (boîte à amadou, éventail en couteaux de palourdes, textiles de bain en fibres marines, verre en poudre d’ormeau…).
Dans la même veine, l’Oursinade de Marthe Simon & Paul Peller (Prix du public de la ville de Toulon 2022) plongeait les visiteurs dans l’eau salée de la Méditerranée à travers une installation caillouteuse inspirée de la calade provençale. Dès l’entrée, les convives étaient invités à déposer serviettes, masques et tubas utilisés pour la pêche, et à s’installer autour d’un grand plateau d’oursins.
Autre installation iodée : « Compluvium » de Sophie Devaux, un projet inspiré de l’Antiquité méditerranéenne, de son architecture et ses systèmes d’acheminant de l’eau avec aux murs, les appliques en plâtre Coquillage d’Axel Chay.
Au creux de cette nouvelle vague de designers qui entretiennent une relation particulière avec la nature, il y a Hugo Drubay. En 2021, le Français présentait à la Villa Noailles son bureau SPIRE réalisé dans le cadre de sa résidence créative au Mobilier national. Une représentation sculpturale de l’environnement méditerranéen scénographiée avec théâtralité dans un décor mystique où la nature est en symbiose avec l’innovation.
Autre réinterprétation contemporaine des trésors de la mer : la chaise Coquillage d’Etienne Marc exposée au Pavillon Southway à Marseille pour son installation « Sortie des eaux ». Un hommage au mobilier de grotte vénitien de la fin du 19ème siècle, lui-même une relecture du style rocaille de l’Ancien régime.
Séville s’invite face à la tour-Eiffel au restaurant Carmona. Le créateur de mode Alexis Mabille a mis ses robes haute couture de côté pour ouvrir une adresse gastronomique parisienne aux airs d’hacienda andalouse, pavée de coquillages et de coquilles Saint-Jacques en référence au chemin de Compostelle qui passe par la ville espagnole.
Formée aux arts plastiques et à l’art dramatique, l’artiste Sophie Brillouet assemble et met en scène des coquillages naturels glanés ou élevés sur les côtes françaises ou à l’étranger pour composer des fresques d’un autre genre. Résultat : les déchets marins ont une seconde vie.
Une dynamique créative et éco-responsable qui pousse les créatifs à plonger dans l’océan pour chercher les biomatériaux du futur. Parmi eux : Hors Studio transforme les « déchets coquilliers » (coquilles d’huîtres, d’ormeaux, de bigorneaux, de moules) en « plâtre de mer » de construction entièrement biodégradable.
Si Giuseppe Arcimboldo composait des visages avec des fruits et légumes dans ses peintures, l’artiste Caroline Perrin, elle, a jeté sont dévolu sur les coquillages.
Pour fêter le 10ème anniversaire d’Acne Studios à la Fashion week de Paris, la griffe suédoise a dévoilé un décor de lune de miel rocailleux hyper sensible. Au milieu de lits de satin rose et des candélabres ornés de coquillages nacrés, les mannequins vêtus de dentelles, tulles, froufrous et drapés précieux semblaient comme tombés de leur lit de noces.