Votre mood du jour ?
« Calme, songeur, optimiste. »
Lee Broom, designer britannique à la tête d’ange et aux 30 prix, fête cette année les 15 ans de son label de luminaires, mobilier et accessoires qui porte son nom. À cette occasion, le livre Fashioning Design: Lee Broom by Lee Broom, tout juste paru aux éditions Rizzoli New York, retrace à travers 224 pages et 200 magnifiques illustrations la carrière foisonnante du créateur de 46 ans, enfant acteur passionné de mode. Rencontre.
L’art a-t-il toujours fait partie de votre vie ?
« Oui, d’aussi loin que je me souvienne. Mon père était un artiste très doué, bien qu’amateur. Il rêvait d’étudier dans une école d’art. Lorsqu’il a décelé mon appétence pour l’art, il m’a transmis son savoir, les bases du dessin. Nous nous rendions souvent dans des foires de voitures vintage. Il prenait des photos que nous peignions ensuite, ensemble. »
Enfant, votre créativité s’exprimait-elle autrement que par le dessin ?
« Ma grande sœur pratiquait la danse. Après ses cours, elle était si heureuse de nous montrer les pas qu’elle avait appris, que j’ai demandé à y aller aussi. Mes parents étaient suffisamment ouverts d’esprit pour accepter, ou peut-être pensaient-ils que cette lubie me passerait.
Mais au bout de 6 mois, ma mère a remarqué que j’avais un certain talent dans ce domaine, et m’a inscrit à l’âge de 7 ans à la Betty Fox Stage School, une école de théâtre de ma ville natale, Birmingham. Nous pratiquions tous les styles de danse, entre une à deux heures par jour, et suivions des cours d’acting. J’adorais les arts du spectacle en général. Il n’y avait pas beaucoup de garçons de mon âge et j’ai donc obtenu pas mal de rôles. J’ai même fait partie de la troupe Royal Shakespear Company pendant plusieurs années. »
« Le design était pour moi un loisir, et la comédie, une carrière. J’étais fasciné par les costumes et les décors et à 16 ou 17 ans, la mode a commencé à beaucoup m’intéresser. J’allais dans le kiosque à journaux de ma ville et y passais des heures chaque semaine à lire les différentes éditions internationales de Vogue et Harper’s Bazaar, car je n’avais pas les moyens de me les offrir. J’étais fasciné par cet univers et j’ai commencé à dessiner des vêtements. J’ai soumis ma candidature pour le Young Designer Award, et j’ai gagné dans ma catégorie. J’avais 17 ans.
Vivienne Westwood faisait partie du jury et j’ai pu la rencontrer après l’événement. Je me suis approché d’elle, mon grand carnet d’autographes à la main, et lui ai demandé de me le signer. Elle y a inscrit son numéro, et m’a invité à venir visiter son atelier, à Londres. J’étais un grand fan de son travail et y ai donc passé 2 jours.
Cette expérience a été une épiphanie pour moi. A la fin de ces deux jours, j’ ai tendu à Vivienne Westwood mon portfolio, et elle m’a proposé un stage à durée indéterminée, avec la possibilité d’aller à Paris pour les shows. J’ai déménagé à Londres, du haut de mes 18 ans. J’ai travaillé à ses côtés pendant presque 10 mois, notamment sur 2 collections à Paris. A ce moment, j’ai changé mon fusil d’épaule : j’étais décidé à avoir une carrière dans la mode. »
Mais finalement, vous avez choisi le design !
« Oui ! Après mon stage, j’ai ressenti le besoin d’étudier la mode. Vivienne me le déconseillait, affirmant que tous ceux qui sortaient d’écoles finissaient par faire la même chose. Mais à cette époque, pour fonder un label, on avait besoin de ces compétences. Et puis, la Central Saint Martins m’attirait beaucoup, c’est une école si créative ! Et pile quand j’ai été diplômé de la Saint Martins, on m’a proposé d’imaginer la décoration intérieure d’un nouveau restaurant encore en développement. J’ai appelé l’une de mes camarades d’école à l’aide, Maki. »
Votre carrière dans le design est une histoire d’opportunité ?
« En quelques sortes. A ce moment-là, je me suis posé beaucoup de questions. Voulais-je toujours fonder ma marque de vêtements, étant donné les coûts que cela impliquait ? La décoration d’intérieur me permettait d’avoir ma propre structure, d’apposer ma signature, mon style, sans investir de ma poche. Maki et moi avons donc ouvert notre studio, baptisé MakiLee. »
« En 2006, Maki a voulu retourner au Japon, son pays d’origine. Quant à moi, j’avais envie de produire des pièces pour les particuliers. Cet aspect-là me manquait. Grâce au réseau de fabricants que j’avais pu développer au fil des ans, j’ai fondé ma maison d’édition, qui porte mon nom. On pourrait me reprocher d’être une girouette. Mais de mon point de vue, j’ai toujours su ce que je voulais faire : travailler à mon compte et avoir ma marque. Créer ma propre destinée et être responsable de tous les aspects créatifs que cela implique.
Le médium, que ce soit la mode, la décoration d’intérieur ou la création d’objets importait peu. Et mes expériences dans la mode et le théâtre transparaissent dans mes projets ou dans la façon dont je présente mes collections. »
« Le plus récent, toujours ! J’ai mis en scène l’exposition “Divine Inspiration” en juin dernier à Milan, soit six installations pour six collections de luminaires autour des lieux de culte.
La plus importante d’entre elles, Requiem, a été réalisée à la main par mes soins. Les anneaux et globes lumineux donnent l’illusion d’être drapées dans du tissu, alors qu’il s’agit de plâtre solide. C’est la première fois que je fabrique moi-même les objets destinés à la vente. J’avais envie de marquer le coup pour célébrer les 15 ans du studio et la sortie de mon livre. »
« Le rouge surtout, le blanc toujours et le métallique. »
La personne qui vous inspire le plus ?
« Alexander McQueen, pour son travail subversif. Il arrivait à se montrer à la fois très romantique et macabre, et j’aime cette opposition.
Non seulement les produits en eux-mêmes étaient géniaux, mais les présentations étaient tellement théâtrales, conceptuelles, belles, inattendues et parfois même effrayantes. »
« Je travaille actuellement sur les sorties de 2024, c’est donc encore beaucoup trop tôt pour en parler ! Mais j’aime ce moment de sérénité, ce temps calme où les idées n’ont pas encore quitté mon esprit, où je peux décider de notre prochaine étape. »