Quel jour & heure est-il ? Que faites-vous habituellement à ce moment de la semaine ?
« Mercredi 1er Mai 2023, 8h03. Habituellement à cette heure-ci, je me dis que ce serait bien que je prenne des habitudes. »
Where is the cool? C’est la ritournelle qui questionne inlassablement Laurent Laporte. Il y répond deux fois par an dans les pages de son magazine et quotidiennement sur Instagram. Cette quête du cool a commencé avec un blog où cet éternel curieux publiait une farandole d’images en expliquant où il se cachait. Après une ancienne vie de concepteur-rédacteur en agence publicitaire, Laurent Laporte, désormais photographe et directeur artistique, est aussi devenu en quelque sorte documentaliste. Il explore, lit, archive pour mettre le doigt sur ce qui est par essence « cool ». Et cela sans céder aux campagnes marketing et phénomènes instagrammables passagers. Ainsi, le créatif et curateur cristallise une époque en portant un regard particulier sur les objets qui nous entourent et ce qui fait qu’ils passeront ou non l’épreuve du temps. Alors, selon lui, le cool se niche dans la palette de couleurs des films de Rohmer, dans les mains de Charlotte Rampling qui ne se sépare jamais de son appareil photo, sous la lumière de la lampe PH5 de Louis Poulsen, autour des bracelets glaçons de Martin Margiela, et entre les serres-livres en céramique de Shane Gabier. Shot d’inspirations assuré !
Quel jour & heure est-il ? Que faites-vous habituellement à ce moment de la semaine ?
« Mercredi 1er Mai 2023, 8h03. Habituellement à cette heure-ci, je me dis que ce serait bien que je prenne des habitudes. »
Vos envies créatives du moment ?
« M’atteler au numéro spécial Food Whereisthecool mais l’ampleur de la tâche me fait toujours un peu reculer. J’ai documenté tellement d’adresses et lu tellement de livres sur le sujet que je crains d’être très incomplet avec le format actuel, alors je réfléchis à changer la recette. »
Votre madeleine de Proust ?
« J’en ai bien trop pour n’en citer qu’une. »
Votre premier choc esthétique ?
« Les dessins des t-shirts Waikiki.
Tiens, une madeleine de Proust. »
Qu’est-ce qui a influencé et façonné votre goût ?
« Je pourrais répondre naïvement “ma curiosité” mais ça pourrait contrarier Bourdieu, et il aurait raison. Cependant, je crois beaucoup à la documentation malgré tout. On aborde souvent le goût comme quelque chose d’inné alors qu’il y a derrière beaucoup de lecture, de travail d’archives, d’études, d’heures à regarder attentivement les choses et à se tromper. Comme la “créativité”. »
Quelle est l’histoire de Whereisthecool ?
« Whereisthecool ? était à l’origine un blog, une sorte de tumblr avant l’heure où je publiais une succession d’images avec une légende indiquant où le cool se cachait dans celle-ci. Et puis l’envie d’expliquer pourquoi sur du papier s’est manifestée… »
Where is the cool ?
« Good question. Let this pretentious magazine gives you the answer. »
Vos rituels pour créer ?
« Je n’ai pas de rituels particuliers pour créer. Je fonctionne uniquement à la contrainte. C’est par celle-ci, qu’elle soit évoquée par un brief client, un endroit particulier ou même un budget serré qu’une idée va émerger pour répondre au problème posé. Mon travail consiste à trouver des solutions créatives, pas à être un artiste. »
Quelles sont les inspirations liées à ce projet ?
« Aussi bien les vieux camping-cars que le cabanon du Corbusier, les petites maisons démontables de Prouvé, le bureau de Lina Do Bardi ou la maison de vacances de Jens Risom, bref tout ce qui s’approche de l’aménagement des petits espaces que j’affectionne tout particulièrement. Je trouve qu’il y a quelque chose d’un peu ridicule aujourd’hui dans cette course à l’espace chez les particuliers quand on sait qu’on utilise simplement que 20% de celle-ci. Sans parler du gaspillage d’énergie… C’est très boomer en fait. »
Le magazine que vous adorez feuilleter ?
« J’aimerai vous dire les 366 pages de Boys Don’t Cry Magazine, le magazine que Frank Ocean a sorti gratuitement pour la sortie de l’album Blonde mais j’écoute les conseils de sa mère prodigués à l’époque sur Twitter : Don’t pay those ridiculous prices for the mags on eBay. Just hang tight a sec… J’attends toujours donc. »
Vos 3 derniers coups de cœur artistiques ?
« Même si j’ai une dent aujourd’hui envers les défilés et les fashion weeks en général, il faut reconnaître que le défilé des 40 ans de la marque Marc Jacobs autour de la table et des chaises surdimensionnées de Robert Therrien était très réussi.
L’exposition Silver de Katinka Bock, au Crac Occitanie à Sète,
Le film La panthère des neiges sur les aventures de l’écrivain Sylvain Tesson et du photographe naturaliste Vincent Munier. »
Le dernier créateur que vous avez repéré ?
« Un ancien : Nestor Almendros, le directeur de la photographie du film La Collectionneuse d’Eric Rohmer. »
Les artistes avec qui vous aimeriez dîner ?
« Un jour j’ai bu par hasard une coupe de champagne avec les Daft Punk quelques jours après la sortie de leur dernier album donc on peut dire que cette case est cochée définitivement. »
Le lieu culturel où vous pourriez retourner toutes les semaines ?
« Tsutaya Books pour son espace café bibliothèque où on peut consulter de nombreuses archives de magazines. »
La dernière adresse qui vous a bluffée ou que vous aimeriez découvrir ?
« Les Alm du Tyrol. Des alpages qui font restaurants d’altitude tenu par des gens du coin qui tiennent à faire particulièrement bien les choses. Tout l’inverse des nôtres pour ainsi dire… Petit conseil, multipliez par deux le temps de marche que les panneaux de randonneurs chevronnés annoncent pour vous y rendre. Ça se mérite ! »
Une scénographie de film qui vous a marqué ?
« La scène psychédélique de The Big Lebowski. »
Pour ou contre Instagram ?
« Il n’y a pas si longtemps, j’aurais répondu qu’Instagram est un outil et que tel un marteau, tout dépend de ce qu’on en fait. Ce n’est plus mon avis. Je trouve ce média pourri pour des dizaines de raisons qu’il serait trop long à décrire ici. Je cherche vraiment à m’en éloigner et je voudrais revenir à l’Internet vintage avec une simple newsletter. C’est un projet que j’ai en tête depuis un petit moment déjà et qu’il faut vraiment que je mette en place. Aujourd’hui, il est clair que je préférerais avoir 1000 lecteurs réguliers par e-mail que 100 000 sur Instagram. »