Marta Jurado Chagnaud & Louis Chagnaud partagent leur vie et leurs rêves. Architecte d’intérieur d’origine espagnole pour l’une, créatif français autodidacte formé en commerce pour l’autre, tous les deux se sont rencontrés il y a presque dix ans à Cadaqués. Leur voyage artistique a débuté en Indonésie, sur l’île de Bali où ils ont mûri leur premier projet artisanal : Heaps & Woods.
Aujourd’hui installés à Madrid, ils dévoilent une nouvelle facette de leur passion commune pour l’artisanat et les histoires d’atelier avec Bisa Studio, leur maison d’édition et studio de création. Né d’une synergie de visions, de cultures, d’histoires, de traditions, Bisa Studio rassemble des personnes, des pensées et des idées pour co-créer des pièces passionnantes.
Ils présentent ces pièces, fruits de ce nouveau chapitre, au sein d’une adresse parisienne de choix : l’Atelier Lardeur, jusqu’au 22 mars. Là-bas, dans cet écrin du XIXeme siècle qui a vu défiler trois générations d’artistes, seront exposées des chaises en bois signées Garance Vallée et des fauteuils recouverts de patchworks réalisés par son mari Franck Pellegrino, des objets et du mobilier en céramique conçus par Moisés Tibau et des luminaires crochetés dessinés par Marta elle-même. Rencontre avec le couple franco-espagnol avant de les découvrir en vrai.
ATELIER LARDEUR, 79 Rue du Cherche-Midi, Paris 6ème
Quel jour & heure est-il ? Que faites-vous habituellement à ce moment de la semaine ?
« Nous sommes mercredi, il est 14h30. En ce moment, on passe tout notre temps sur les pièces de notre future collection et sur l’exposition de mars. Vous auriez posé la question un autre jour ou à une autre heure de la semaine, la réponse aurait été la même ! »
Votre humeur du jour en 1 mot ?
Coral Blanc par Moisès Tibau, chaise par Garance Vallée et Franck Pellegrino, Poème Géométrique par Marta Jurado Chagnaud © Bisa Studio
Quelle est la philosophie de Bisa Studio ?
« Bisa signifie « peut » en indonésien. Il symbolise la possibilité et la liberté d’expression. Comme dans tout projet, rien ne va se faire du premier coup, il va falloir faire plusieurs tentatives, travailler dur, mais tout est possible avec la motivation et la conviction qu’il n’y a pas de limites à ce que nous pouvons réaliser. »
Poème Géométrique par Marta Jurado Chagnaud © Bisa Studio
Banquette par Garance Vallée et Franck Pellegrino © Bisa Studio
Quel est votre mode de production avec Bisa Studio ?
« Avec Bisa Studio, on est sur un rythme de création complètement différent de Heaps & Woods. Le but est de créer des synergies avec d’autres créateurs, de créer moins mais à plusieurs avec des méthodes beaucoup plus longues et laborieuses, plus uniques. »
Comment avez-vous choisi les designers de votre première collection ?
« Tout vient d’une rencontre, d’un coup de cœur. Par exemple, on a découvert Garance Vallée à Milan il y a quatre ans à l’occasion de la présentation de son projet Terra. Elle avait mis en scène une superbe salle de réunion pour l’agence Martina Gamboni avec du béton coloré. On a pris un café avec elle beaucoup plus tard où elle nous a montré plein de dessins, on s’est tout de suite dit que l’on pouvait les matérialiser avec Bisa Studio. »
La Chaise trouée par Garance Vallée © Bisa Studio
Vos envies créatives du moment ?
« Déjà, présenter notre collection en mars ! Puis nous verrons plus tard les opportunités qui s’offrent à nous. Bisa est un studio créatif qui a vocation à s’ouvrir à de nombreux domaines : branding, mode, joaillerie, architecture d’intérieur. On ne se ferme aucune porte. »
Votre madeleine de Proust ?
« Marta : l’odeur du jasmin qui me rappelle l’été et le printemps.
Louis : une odeur aussi, celle de l’encens des cérémonies à Bali. »
Des matériaux de prédilection ?
« Jusqu’ici on préconisait surtout le bois massif et le rotin, en partie parce qu’on habitait à Bali et que l’on concevait des pièces pour Heaps & Woods à partir de matériaux durables et locaux. Le rotin est d’ailleurs particulièrement sustainable car c’est une liane qui pousse autour des arbres tropicaux, dès lors qu’on la coupe, on aide l’arbre à respirer.
Mais aujourd’hui, on élargit notre matériauthèque pour intégrer des savoir-faire et des esthétiques qui nous surprennent. Notamment le crochet de laiton complètement réalisé à la main, que vous verrez à travers des pièces suspendues que l’on a dessinées nous-même (Poème Géométrique). En ce moment, je pense même à décliner un style de crochet traditionnel espagnol que ma grand-mère pratiquait, le ganchillo, sur des pièces de mobilier… »
Taffoni, Cap de Creus© Marta Jurado Chagnaud, 2020
Selon vous, qu’est-ce qui a façonné votre goût ?
« Louis : j’ai été formé en commerce, donc pas du tout orienté dans le design et l’artisanat, mais ma grand-mère m’a initié très tôt aux brocantes et aux beaux objets, ça a forcément joué.
Marta : je n’ai pas baigné non plus dans la création étant jeune, je me suis formée en architecture d’intérieur et en design à Barcelone et à Paris. Le goût m’est venu comme ça, avec le temps. »
Forme, fonction ou fantaisie ?
« On essaye bien sûr d’allier les trois dans nos créations. Un tabouret va par exemple servir également de table d’appoint. Mais on a plutôt tendance à privilégier la forme et la fantaisie. »
La chaise Vague par Garance Vallée © Bisa Studio
Une gamme de couleur qui vous suit depuis toujours ?
« Le bleu. Que ce soit celui de la mer ou du ciel, tant qu’il puise son essence dans la nature. Mais aussi le beige. Des teintes très naturelles en fait. »
Les décorateurs qui vous influencent ?
« Les univers, les détails et les chromatismes de Jacques Couëlle ; Studio Ibuku ; Laura Gonzalez et Pierre Yovanovitch. »
Green School de Bali par Studio Ibuku © Tommaso Riva
Votre colormatch du moment ?
« En ce moment, les différents tons bruns du bois et le contraste avec les tons pastel tels que le bleu ciel. Ainsi que la gamme de verts que l’on trouve dans la nature avec des bleus et des roses pâles. Des combinaisons équilibrées, élégantes, fraîches et contrastées. »
Le dernier créateur que vous avez repéré ?
« Une artiste / designer textile espagnole qui s’intéresse aux arts chinois : Adriana Cagigas. »
Les adresses culturelles qui vous ont bluffés ?
« Le Statens Museum for Kunst de Copenhague et le Palais Galliera à Paris. »
Les endroits où vous pourriez retourner toutes les semaines ?
« Marta : le jardin botanique de Madrid, d’ailleurs il faut que je demande la carte à nouveau. Le village de Cadaqués en Espagne qui est devenu un vrai vivier d’artistes et de designers. »
Les personnalités avec lesquelles vous aimeriez dîner ?
« Ce serait un repas assez agité avec Alberto Giacometti, Dalí, Azzedine Alaïa, Mark Rothko, Constantin Brâncuși, Elsa Schiaparelli. Un dîner avec des personnes exclusivement décédées finalement. »
