La collection « ARTI » de Maison Pouenat par
Julien Scarbonchi & Jacques Rayet
Artisans
il y a 1 mois
C’est à Moulins, dans l’Allier, que Maison Pouenat perpétue l’artisanat d’art ferronnier bourbonnais depuis 1880. Jacques Rayet, Directeur de la maison, a ouvert en 2003 la maison à l’édition d’objets et de pièces de mobilier singulières. Ces créations, imaginées par des architectes et des designers français, sont exposées à la Galerie Pouenat, à Saint-Germain-des-Prés. La dernière en date, dessinée par le designer de bijoux, meubles et luminaires Julien Scarbonchi, est baptisée « ARTI » — un seul mot corse qui évoque ses deux passions : l’art et l’artisanat. Celle-ci dresse un pont entre design et bijouterie, et allie deux matériaux radicalement opposés : le métal et le bois. Son trait, courbe et organique, se décline alors sur des pièces de mobilier en laiton et aluminium aux lignes émoussées dans lesquelles le frêne s’intègre comme des pavés sur un chemin de métal. Alors que la collection sera exposée pour la première fois en France à partir du 5 septembre 2024, à l’occasion de la Paris Design Week, Jacques et Julien dévoilent les dessous de cette collaboration aussi fascinante qu’exigeante.
Galerie Pouenat, 22 bis Passage Dauphine, 75006 Paris
Jacques, quelle est l’histoire de la Maison Pouenat ?
« Tout commence en 1880, avec la création à Moulins, dans l’Allier, de l’atelier alors spécialisé dans la ferronnerie de bâtiment. Rampes, grilles, claustras et lanternes sont dessinées, réalisées ou restaurées dans les ateliers bourbonnais pour le compte de Châteaux du Bourbonnais. En 1963, la quatrième génération, représentée par Henri Pouenat, élève du célèbre maitre-ferronnier Gilbert Poillerat et diplômé de l’École nationale supérieure des Arts Décoratifs, ouvre le savoir-faire de l’entreprise à l’univers de la décoration intérieure. L’atelier se voit confier la réalisation de meubles et de luminaires pour l’aménagement d’hôtels et de projets prestigieux par l’intermédiaire des Maisons Jansen (paquebot France) et Mercier. »
« En 1995, alors ingénieur de formation, et très épris du beau, j’ai repris la compagnie et fait le pari de l’édition. C’est ainsi qu’est née en 2003, la première collection éditée par Maison Pouenat. »
Comment s’est construit le dialogue entre créatif et éditeur ?
« Ce sont des échanges dans les ateliers avec les dessinateurs d’études pour adapter la technologie de construction qui respecte au mieux la pensée créative de Julien. Plusieurs allers-retours sur plans et sur échantillons de finitions ont eu lieu avant de définir les bonnes formes et surtout les bonnes teintes de matières. Ce sont ces échanges sur la technologie, la matière et les finitions qui amènent à une complicité entre l’éditeur et le créateur. »
Un mot qui décrit l’atmosphère de la collection ?
« Douceur. »
Des techniques particulières utilisées dans la confection de la collection ?
« Sur le métal, on a inventé trois finitions. Pour l’aluminium une finition oxydée et une finition vieillie. Pour le laiton c’est une finition polie-oxydée. »
« Bien-sûr ces finitions sont des procédés inventés pour traduire l’idée du créateur, avec notre savoir-faire du traitement du métal. Pour le bois, nous connaissions, grâce à un partenaire ébéniste, un procédé de traitement particulier pour éviter les déformations de cette matière intégrée au métal. »
Julien, quelles sont les influences qui irriguent votre travail ?
« Lorsque j’étais enfant, j’ai eu la chance d’être entouré d’art, d’artistes et d’être inspiré par la nature et les matériaux. Ma mère a en effet travaillé à la fondation Maeght. Elle m’a ainsi grandement sensibilisé à Miro, Chillida, Giacometti, Calder… ces artistes et leurs formes sont encore très présents aujourd’hui dans mon processus créatif. Les tableaux d’André Dendal ont laissé une empreinte profonde en moi. Je m’aperçois aujourd’hui que je suis souvent à la recherche des formes que mon regard d’enfant avait déjà saisis. Enfin, il y eut cette immersion chaque été dans la nature corse, entre montagne et rivière. J’y ai puisé mon intérêt pour le bois, pour certains mouvements de la nature. »
Quelle est la place de la matière dans votre travail ?
« Elle est primordiale. Depuis presque trente ans je crée. Or, même si je dessine toute la journée, j’ai besoin de passer par le façonnage et le modelage, pour nourrir mon processus créatif. Aujourd’hui, j’apprends à comprendre différemment les matériaux que je choisis, grâce notamment aux artisans de Pouenat. Ils me confrontent à la question des contraintes. Aussi, mon processus créatif évolue en fonction de ce que les matières nous autorisent à faire ou pas. Par ailleurs, j’observe beaucoup. Je prends du plaisir à voir le métal s’oxyder avec le temps, prendre une autre teinte. Cela m’ouvre d’autres portes. D’autres idées se dessinent. Je vis toujours une aventure avec la matière. »
Quelles sont les inspirations de la collection ?
« Elles viennent d’un processus créatif mis en route il y a trois/quatre ans. J’ai commencé à dessiner les formes, courbes, reflets, qui s’inscrivent en moi. Je les ai ensuite fait évoluer, à travers mes dessins, pour les rendre le plus juste possible… selon moi. J’ai rempli nombre de cahiers de dessins. Par la suite, j’ai attribué chaque forme, courbe, à du mobilier. Je les ai fait rentrer dans des formats qui correspondaient à chacune des pièces de la collection. »
« Quand je regarde les différentes pièces aujourd’hui, j’ai l’impression de voir des cours d’eau qui coulent sur la terre… L’eau est représentée par le métal (sa brillance), et la terre par le bois (le côté mat). Comme la rivière de mon enfance qui descendait de la montagne, au milieu des roches et du maquis. »
D’où est venue l’idée de mélanger le laiton et l’aluminium au bois ?
« Le bois est une matière que j’observe et affectionne depuis que je suis tout petit. Le laiton, je le travaille depuis 25 ans, depuis que je suis dans la création de bijoux. Pour le bijou, je passe toujours par le travail du métal dès les premières étapes de mon processus de création. Ensuite, dans la continuité de ce même processus, j’ai attribué à chaque forme de mes cahier de dessin, une matière. Or pour moi, l’association bois marron et laiton ainsi que bois noir et aluminium (effet maillechort) représentait mieux mes envies. »
Un mot qui décrit l’atmosphère de la collection ?