Matières
21 février 2023
Matières
21 février 2023
Le design est définitivement entré dans une nouvelle ère. L’impression 3D, procédé de fabrication additive (en opposition aux techniques traditionnelles de soustraction) ouvre de nouveaux horizons aux modes de production. Les formes et les détails, même les plus fins, prennent vie couche par couche grâce à une pléthore de matériaux vertueux (sable, bioplastiques, amidon de maïs, canne à sucre, argile, nylon) et une variété de procédés fastueux (dépôt de filament fondu, stéréolithographie, frittage laser, procédé PolyJet).
La nouvelle vague de designers (Komut, Argot Studio, Supertoys Supertoys, Olivier van Herpt), d’architectes (Mario Cucinella Architects, HANNAH Design Office) et de créateurs (ANNAKIKI, Iris Van Herpen, Daniel Widrig) l’a bien compris. Elle voit en l’impression 3D un nouveau moyen d’exprimer sa créativité avec plus d’impact écologique et de possibilités esthétiques. Une véritable mine d’or à expérimentations qui floute les frontières entre l’art et le design, l’artisanat et la technologie. Décryptage.
Outil
IMPRIMANTE
Fabrication
ADDITIVE
Production
VERTUEUSE
Formes
INFINIES
Les matériauthèques sont disruptées et renouvelées par le biais de l’impression 3D. Outre ses possibilités plastiques infinies, la fabrication additive offre des opportunités dans le recyclage des déchets. De l’acide polylactique provenant d’emballages alimentaires transformé en accessoires de bureaux par Pearson Lloyd et Batch Works aux chaises d’Interesting Times Gang imprimées à partir d’un composite mixant des filets de pêche recyclés et de la fibre de bois : rien ne se perd, tout se transforme.
Il y a aussi le mobilier de Komut, label français créé par Philippe Tissot et YuTyng Chiu qui imprime chacune de ses pièces localement en France à partir de plastique 100% recyclé et recyclable. Il est transformé en monomatière fondue puis façonnée en spirale suivant des lignes organiques et ergonomiques simples.
La fabrication additive est aussi un moyen de valoriser les bio-matériaux. Argot Studio en sait quelque chose. Depuis une ancienne usine Schneider à Paris, sa fondatrice, Eimear Ryan imagine des créations douces et poétiques extrudées à partir d’un acide polylactique dérivé de l’amidon de maïs ou de canne à sucre. Son processus est aussi inspirant qu’innovant : une buse chauffée dépose des couches successives de matière fondue. Ce dépôt progressif finit, après plusieurs heures de travail numérique, par former une pièce.
Supertoys Supertoys façonne des objets comme sortis d’un décor 3D, pourtant bien réels grâce à l’impression. Le studio néerlandais a imaginé une série de pièces composée de luminaires et d’un vide-poche confectionnés à partir de sable extrudé au fini rugueux. Une démarche que connaît bien le Studio Ilio qui crée des objets décoratifs aux formes inexplorées à partir d’un mélange de poudre de nylon et de sable de silice.
De cette exploration toujours plus poussée du matériau et de son travail par l’imprimante 3D naît un nouvel artisanat numérique à mi-chemin entre la tradition et l’innovation. C’est notamment le modelage ancestral de la terre qui est disrupté par les architectes et designers contemporains : Mario Cucinella Architects ; Arthur Mamou-Mani ; bold, 8Fablab et Emmanuelle Roule, Jolie Ngo ou encore Hanna Design Office. Ils repensent complètement les approches de production et de construction tout en rendant hommage aux esthétiques anciennes.
À partir de paraffine et d’argile, le designer néerlandais Olivier van Herpt imprime des céramiques inspirées de la faïence de Delft, artisanat hollandais hérité du XVIIème siècle. C’est grâce à une imprimante qu’il a lui-même fabriquée qu’il façonne des pièces sur mesure qui peuvent atteindre jusqu’à 90 cm de hauteur, avec des formes qui imitent le geste de la main et révèlent des parois extrêmement fines et pourtant bien solides.
Dans la mode comme dans le design et l’architecture, l’impression 3D permet des formes complexes et des détails d’une extrême finesse, irréalisables à la main ou industriellement. Une aubaine pour les créatifs qui conçoivent des pièces aux lignes et esthétiques organiques et sensuelles, presque ovniesques, comme sorties d’un autre monde. Iris Van Herpen, Wang & Söderstrom et Studio Ilio sont maîtres en la matière.
Lignes tridimensionnelles, matières translucides, effets mouvants… Des designers comme Joris Laarman, Argot ou encore Sam Buckley et Anthony Authié imaginent les pièces du futur. Ils donnent vie aux fantasmes de la science-fiction et font passer leurs modélisations 3D du rêve à la réalité grâce à la fabrication additive. Utopie ou dystopie ?