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Hotels & restaurants
Best of néo salons d’écoute
Très populaires à Tokyo, les ongaku kissa sont peu à peu devenus à la mode dans les grandes capitales comme New York, Londres ou Paris. Aussi appelés listening bars, ces temples du son transforment l’écoute musicale en expérience collective, parfois au point d’interdire la parole pour privilégier la contemplation. Le tout premier lieu du genre, le Café Lion, a ouvert en 1926 à Shibuya. Toujours actif rue Dogenzaka, il reste fidèle à son esprit originel : une salle d’écoute où jazz, rock et musique classique se succèdent en silence.
Aujourd’hui, cette mélomanie dépasse les frontières du Japon. Restaurants, hôtels et même salons de beauté réinterprètent ce modèle unique : du Bar Ton à Bucarest au salon Salt à Londres, en passant par l’Ususai Sunset Bar à Ibiza ou Jaç à Barcelone. Si chacune de ces adresses contemporaines réinvente l’ongaku kissa à sa manière, partout, c’est le même refrain décoratif : atmosphères feutrées, design soigné, systèmes acoustiques de pointe et collections de vinyles bien conservées.
Sept sanctuaires du son pour les audiophiles passionnés.
Ususai sunset Bar, El Silencio Ibiza
À Cala Molí, sur la côte ouest d’Ibiza, El Silencio ravive l’esprit bohème et festif des années 60, lorsque ce recoin était prisé des initiés pour ses couchers de soleil. À l’heure où la lumière décline, le Ususai Sunset Bar prend le relais. Imaginé par Kulapat Yantrasast (ancien protégé de Tadao Ando) l’espace s’inspire des salons d’écoute tokyoïtes : une atmosphère minimaliste, épurée. À l’heure dorée, la carte apaise, élaborée en collaboration avec le Collagen Café parisien (lattes aux super-aliments enrichis en collagène). Puis, quand le soleil s’efface, la musique prend toute son ampleur. La sélection vinyle, confiée à Jaime Fiorito, puise dans les archives privées les plus précieuses de l’île : de Diego Calvo à José Padilla, en passant par Ricardo et Piti Urgell (fondateurs du Pacha Group) ou encore Alfredo Fiorito, figure pionnière du Balearic sound. Les disques se succèdent avant que les DJ sets live ne prolongent la nuit dans un voyage sonore hypnotique. Côté bar, la carte des cocktails célèbre la rencontre entre influences japonaises et saveurs locales : martinis au litchi, margaritas au wasabi et autres compositions audacieuses.
SALT, Londres
À deux pas du Borough Market, dans un entrepôt victorien, Salt réinvente le salon de beauté en l’associant à l’art du sound system. Fondé par John Paul Scott, ancien producteur de musique électronique, le lieu se déploie sur trois niveaux entre coiffure, barbier et salle d’écoute. Le jour, la salle principale vibre au rythme des ciseaux et des platines ; la nuit, elle se métamorphose en scène musicale. Conçu par Unknown Works, l’espace joue avec l’acoustique : fauteuils en mousse recyclée absorbant les basses, panneaux en silicone adoucissant la réverbération, luminaires en biorésine rappelant le métal martelé. Point d’orgue du lieu : deux enceintes monumentales en acier galvanisé, façonnées par roboformage à faible consommation d’énergie, en collaboration avec Friendly Pressure. Une pièce où chaque détail participe d’un instrument collectif, à l’écoute de ses propres rythmes.
JAÇ Hifi Café, Barcelone
À Barcelone, le studio Isern Serra (Gigi, Andrés Reisinger office) a conçu Jaç, un café d’écoute inspiré des jazz kissa japonais. En catalan, jaç désigne la « position allongée », une invitation au repos qui imprègne chaque recoin du lieu. L’atmosphère, japonaise dans l’esprit mais méditerranéenne dans le rythme, cultive la lenteur et l’écoute. Au centre, un bar sculptural s’impose comme pièce maîtresse. Taillé dans une unique plaque de noyer, il fait à la fois office de comptoir, d’enceinte et d’archive vinyle. Les enceintes Bloom Island, réalisées sur mesure dans le même bois, prolongent le veinage continu qui relie mobilier, architecture et son, créant une harmonie sensorielle totale. L’esthétique emprunte aux codes nippons, avec quelques reliques choisies : une lampe Akari de Noguchi, une façade en iroko, du matcha sourcé directement auprès de producteurs japonais. Design et musique dialoguent dans un écrin méditatif.
BAR TON, Bucarest
Premier bar d’écoute de Roumanie, Bar Ton s’est installé dans le tout premier complexe d’appartements socialistes du pays, construit à la fin des années 1950 comme modèle de modernité. Anda Zota et Muromuro Studio ont choisi de composer avec cette mémoire plutôt que de l’effacer, en transformant un ancien magasin de musique en sanctuaire sonore intimiste. Le lieu conjugue matériaux chaleureux (contreplaqué de bouleau, sols en mosaïque de marbre texturé) et détails contemporains comme des luminaires en acier inoxydable ou une spectaculaire façade mécanique en verre et métal brut, qui efface la frontière entre intérieur et extérieur. À l’intérieur, quatre colonnes de béton divisent naturellement la pièce : au centre, l’espace d’écoute ; autour, le bar, les assises et les circulations. Une écriture spatiale simple mais radicale, ancrée dans l’histoire et résolument actuelle.
Silence Please, New York City
Dans le Lower Manhattan, Silence Please a investi une ancienne galerie d’art sur Bowery pour y déployer son univers hybride, entre salle d’écoute et salon de thé. L’espace réunit un coin hi-fi avec les vinyles de Duty-Free (premier disquaire itinérant new-yorkais, né dans un van Dodge de 1985) et des zones pensées comme une galerie d’art, avec des pièces sélectionnées par Amélie, Maison d’art. Le jour, l’endroit se transforme en refuge créatif, propice à la concentration, rythmé par des paysages sonores immersifs. La nuit, il s’anime : DJs invités, sessions d’écoute intégrale d’albums orchestrées par des résidents, ou encore Evening Tea, rendez-vous où les sélecteurs techno explorent des sonorités plus feutrées.
Her Music Room, Melbourne
Dans le quartier central des affaires de Melbourne, la Pacific House récemment rénovée dans une ancienne usine de cigarettes, Her est un lieu pluriel où cohabitent un restaurant, un bar à cocktails et une Music room. Installée au premier étage, la Music Room s’inspire des bars japonais et élève l’écoute à un art total. Ici, tout est recouvert de noyer américain (sol, murs, plafonds, bar, console DJ) comme pour transformer la pièce en une enceinte. Imaginé par le studio Dion Hall, l’espace joue la carte de l’immersion totale, renforcée par une installation lumineuse conçue avec Hervé Descottes, où son, lumière et architecture composent une expérience symbiotique.
MOGO, Milan
Installé dans le quartier d’Isola, au rez-de-chaussée d’un ancien bâtiment industriel qui abritait avant une brasserie emblématique, ce bar-restaurant milanais de 99 couverts place la musique au cœur de l’expérience. Le nom MOGO vient du setswana Mmogo, qui signifie « ensemble » ou « unis » : une philosophie qui irrigue l’esprit du lieu. Le design intérieur, signé Giorgia Longoni Studio, mêle élégance et convivialité. Au centre, un bar panoramique à 360 degrés se déploie sous un grand plafond lumineux qui transforme l’ambiance au fil de la journée et de la nuit. La carte mêle mixologie et gastronomie japonaise contemporaine (whiskys japonais, scotchs, gins, mezcals et sakés), et une cuisine orchestrée par le chef Yoji Tokuyoshi, qui revisite les traditions nippones avec une approche métissée. Côté programmation musicale, le lieu s’appuie sur un système hi-fi artisanal et sur les sélections du festival Polifonic et de la communauté BSR. Une adresse pour écouter autant que pour savourer.