Que faites-vous habituellement à cette heure de la semaine ?
« Je bois un café en parcourant l’immense liste de choses à faire ! »
Sophie Delaporte est une photographe qui travaille régulièrement pour la mode. Mais ses clichés sont avant tout une porte d’entrée pour s’exprimer sur les femmes en tant que femme. À coups de couleurs, de mouvements, Sophie renverse les codes, propose une tout autre vision de la mode, de la beauté et de la féminité. Une approche très « organique » de la photographie où tout se fait à la prise de vue, sans pose figée ou retouche photos. Sophie conserve cette esthétique joyeusement décalée pour s’emparer de sujets environnementaux, ce qui lui a valu de décrocher le « Grand Prix Photography & Sustainability » en 2019.
Avec elle, l’image est une porte ouverte à l’imagination. Sophie compose ses photographies comme des énigmes avec différents niveaux de lectures. Influencée par le mouvement surréaliste, on retrouve dans ses clichés une note d’humour et un petit côté absurde pour « réhabiliter l’invisible » comme le disait l’écrivain Régis Debray.
Que faites-vous habituellement à cette heure de la semaine ?
« Je bois un café en parcourant l’immense liste de choses à faire ! »
D’où vient votre passion pour la photographie ?
« L’ennui…Un jour j’ai mis trois tâches de couleurs sur une diapositive que ma mère, qui était chercheuse, utilisait pour observer ses cellules. Je l’ai projeté sur une rose. J’ai pris en photo le résultat, c’était l’un de mes premiers clichés.
Puis j’ai commencé à photographier mes deux jeunes sœurs en cachette, déguisées dans les plus belles robes de ma mère. Je faisais des croquis et je fabriquais moi-même les éléments et accessoires qui manquaient avec du carton pour ces séances photos clandestines… »
Une gamme de couleurs qui vous suit depuis toujours ?
« Ciel Belge ou Vert de Gris de chez Emery : des couleurs que les Astier de Villatte m’ont fait découvrir il y a 15 ans et qui m’accompagnent partout où je vais. »
Qu’est ce qui a influencé et façonné votre goût ?
« Le peintre Sandro Botticelli et la renaissance Italienne, la Grèce antique et plus généralement toutes les périodes de l’histoire de l’art qui se sont intéressées à une représentation plus libre de la femme.
Le courant de la photographie surréaliste des années 30, Claude Cahun, Paul Nougé, les nus d’Edward Weston ou de Man Ray ont aussi nourri mon travail. »
Quelle importance accordez-vous à la couleur et au mouvement dans votre travail ?
« La couleur est centrale dans mon travail. Bien souvent c’est autour d’elle que l’image se construit. Plus que le mouvement, c’est peut-être un sentiment de liberté que je cherche… La quête d’un instant, la recherche d’une certaine spontanéité.
Dans de courtes séquences qui ressemblent parfois presque à des performances, mes femmes jouent avec la mode, la détournent, se l’approprient et s’en libèrent parfois ! »
« Les séries Fragiles Landscapes et Troubled Water, initiées pour le Grand Prix Eyes on Talents Photography & Sustainability ou bien la série Color Studies, sur laquelle je travaille chaque été depuis la naissance de mon fils. »
Le projet qui vous occupe le plus en ce moment ?
« Un projet de livre qui réunit beaucoup d’archives et des images très récentes sur le thème de la femme et de la couleur. L’ouvrage s’articule autour de mes recherches sur la couleur mais défend aussi l’idée d’une certaine représentation de la femme. »
Quelles sont les inspirations liées à ce projet ?
« Adolescente, je me souviens avoir rêvé de faire ce métier d’homme car je n’aimais pas la façon dont les femmes étaient représentées dans les magazines.
Cela n’a pas toujours été conscient, mais travailler pour la mode a toujours été une façon pour moi de parler des femmes… et de pouvoir m’exprimer en tant que femme. Lorsque j’ai été invitée à Beaubourg pour parler de ce sujet à l’occasion de l’exposition Dora Maar, j’ai réalisé la difficulté encore aujourd’hui d’aborder ce thème et l’importance qu’il avait toujours eu dans mon travail. »
Les artistes qui vous influencent ?
« Henri Matisse pour son rapport à la couleur et à l’espace.
Et l’œuvre de la danseuse et chorégraphe Pina Bausch, dont j’ai eu la chance de voir tous les spectacles à Paris depuis l’adolescence. Son sens du théâtre, son humour, son regard si poétique et tellement en avance sur les femmes ont certainement beaucoup nourri mon approche de la mode ! »
« Grandes Vacances de Bustamante à la galerie Thaddaeus Ropac… une grande respiration dans cette période si obscure. »
« La Galerie des Offices à Florence. »
« La chasseuse de tendances hollandaise Li Edelkoort, l’astrophysicien français Aurélien Barrau et l’essayiste américain Jeremy Rifkin. »
« L’usage de la couleur dans tous les films de Jean-Luc Godard… le bleu de la mer à Capri ou sur le visage de Belmondo dans Pierrot le Fou. »