Inès Mélia manie les objets du quotidien pour forger des œuvres qui ont du chien. Elle se nourrit de la poésie de George Perec et s’inspire de la dérision d’Ettore Sottssas. Comme eux auparavant, Inès questionne l’ordinaire avec humour et malice. Durant le confinement, elle a crée des sculptures éphémères avec tout ce qui était à portée de sa main : vaisselle de famille, fromage, livres…
Avec une fausse candeur, l’artiste pluridisciplinaire dialogue entre différents médium : sculpture, photographie, peinture et musique. Elle ne s’interdit rien, s’amuse d’un rien et en fait tout un fromage. La preuve en est avec sa série Candlecheeses et son livre The Domestic Life, à découvrir le 8 décembre 2021 à la librairie Yvon Lambert pour son vernissage/signature.
La genèse du projet Domestic Life ?
« Domestic life est un est un projet que j’ai débuté il y a deux ans. Je n’arrivais plus à peindre à ce moment-là et je n’avais pas d’inspiration. Ça s’est rapidement transformé en une frustration constructive. J’ai commencé à observer tous les objets qui étaient chez moi et à délirer avec. Je faisais des sculptures de l’instant avec des trucs qui traînaient un peu partout. Par exemple, à partir de vaisselles de familles j’ai fait des totems, j’ai écris à partir de blanc d’œuf… »
Le confinement a-t-il impulsé ce projet ?
« Ce sont des choses que j’ai toujours un peu faites mais que je ne montrais pas. Peut-être que le confinement m’a permis de me libérer pour montrer ce genre de créations. Ça crée une sorte de connexion, de complicité avec des gens qui suivent mon travail. »
COMMENT EST VENU VOTRE DÉCLIC ARTISTIQUE ?
« J’ai toujours été intéressée par l’art mais
je m’interdisais d’en faire. J’ai donc fait des
études « sérieuses » pour devenir commissaire priseur. Très vite, quand j’ai commencé
à travailler, je me sentais du mauvais côté
de la barrière. À l’issue de ça, j’ai retrouvé
la peinture, et j’ai senti que c’était ma vraie
place. »
L’histoire derrière Candlecheeses ?
« J’ai eu envie de matérialiser les objets du quotidien que j’avais détourné et en faire des objets en céramique. J’ai donc contacté une céramiste qui s’appelle Alma Berrow dont j’adore le travail. Elle a accepté et on a alors entamé une collaboration pour créer des bougeoirs inspirés de mon travail
autour du fromage. Cette idée de Domestic Life c’est de s’intéresser à l’infra-ordinaire, aux choses qu’on a tendance à ne pas vraiment regarder et qui portent pourtant beaucoup de poésie et d’humour. Elles peuvent être transcendées. »
Un rituel de travail particulier ?
« Je n’en ai pas vraiment. L’art et ma vie
sont intimement liés. Je n’ai pas l’impression
d’avoir besoin de rituel à part boire du café et
écouter de la musique. En soit, préparer ses
pinceaux, les laver c’est déjà un rituel. »
COMMENT LIEZ-VOUS ART ET LITTÉRATURE ?
«Les lectures nourrissent mon travail. Je me suis souvent demandée si le livre pouvait être un médium comme les autres. Mon projet les Tissue Books a été pensé après avoir trouvé des bouquins abandonnés dans la rue. J’ai eu cette idée d’en faire des livres mouchoirs avec une œuvre brodée à l’intérieur.
S’autoriser à jouer avec l’objet livre qu’on considère souvent comme sacré m’amuse beaucoup. J’adore m’emparer des objets sans les hiérarchiser. »
Vos lectures du moment ?
« Je suis en train de lire Le Loup des steppes
d’Hermann Hesse. Et j’ai aussi découvert dernièrement le poète Georges Perros. »
Un designer inspirant ?
« J’aime beaucoup Boris de Beijer qui a lancé une ligne de chandeliers en verre soufflé avec La Romaine Éditions et qui a également travaillé avec Jacquemus. »
LA DERNIÈRE EXPOSITION QUI VOUS A MARQUÉE ?
« Récemment, je suis allée voir l’exposition de la poétesse et peintre Etel Adnan au musée Guggenheim à New-York. Ce sont des œuvres très humbles, de petits formats et qui sont pourtant très pertinentes. »
VOTRE DERNIER VOYAGE ?
« Je suis allée à New-York en automne. La ville était magnifique avec ses arbres en feu. Je suis passée au musée Noguchi dans le Queens. J’ai eu l’impression de rentrer dans une ambiance totalement Wabi-Sabi avec la pluie qui tombait dehors. J’ai également vu l’exposition de Jasper Johns au Whitney Museum et mangé dans l’excellent restaurant le Dr Clark. »